Atnaé Lussier

Après la vie fascinante d’Hetty Green, voici cette fois l’histoire de Victoria Woodhull, une femme incroyable qui a aussi fait fortune sur les marchés financiers à la fin du 19e siècle. Qui plus est, sa sœur et elle ont été les premières femmes à lancer une firme de courtage à Wall Street, et ce, en 1870 !

Victoria Woodhull nait en 1838, dans une famille pauvre de 10 enfants. Ses parents, Buck Claflin, un trafiquant et petit escroc, et Roxy Claflin, une servante avec des troubles de personnalité, détectent en elle des dons divinatoires et la mettent rapidement au travail dans un spectacle de médiums ambulants. Dès l’âge de 13 ans, Victoria traîne des problèmes de santé et est suivie par un jeune médecin, Canning Woodhull, dont elle tombe amoureuse et avec qui elle se marie à l’âge de 15 ans, une union qui durera une dizaine d’années et dont elle aura deux enfants. Pourtant, Canning s’avère être un alcoolique sévère, entretenant de multiples maîtresses et courant les bordels. Victoria est vite contrainte de subvenir aux besoins de la famille comme elle le peut, notamment en se produisant occasionnellement comme actrice.

Elle divorce après avoir rencontré celui qui deviendra son futur mari, James Blood. Gardant le nom de son premier mari, elle reprend alors sa carrière de medium/guérisseuse et déménage à New York, accompagnée de sa sœur Tennessee, dotée elle aussi de dons de voyance. C’est d’ailleurs lors d’une séance de spiritisme qu’elle se lie d’amitié avec le magnat des trains Cornelius Vanderbuilt, l’homme le plus riche des États-Unis à l’époque, venu consulter les voyantes pour entrer en contact avec sa défunte épouse. Vanderbuilt sera marqué par cette rencontre et deviendra le principal client et supporter des deux soeurs. Victoria se met à s’intéresser à la finance au fur et à mesure que Vanderbuilt, séduit par le talent des mediums, prend l’habitude de leur demander des recommandations financières, qui s’avèreront fructueuses.

Grandement épaulées par le commodore Vanderbuilt, le duo Woodhull-Claflin décide de lancer sa propre firme de courtage en 1870. Vous avez bien lu : Victoria, alors âgée de 31 ans, et Tennessee, qui n’a que 24 ans, lancent Woodhull, Claflin & co, la première firme de courtage féminine de l’histoire ! Considérant l’autonomie financière encore plus émancipatrice que le droit de vote, Woodhull, Claflin & co s’adresse aux investisseuses et encourage les femmes à apprendre à gérer elles-mêmes leurs finances et à s’initier au placement.

Certaines sources affirment qu’il y aurait eu jusqu’à 4000 visiteurs seulement la journée de l’ouverture ! Quoi qu’il en soit, l’entreprise connaît rapidement un immense succès, attirant notamment les riches veuves de la ville, qui se sentent plus confortables de faire affaire avec des femmes. Les sœurs font en quelques mois une fortune considérable et Victoria réussit rapidement à s’introduire dans la haute société new-yorkaise et à faire oublier ses origines familiales misérables et son absence d’éducation (elle n’a fréquenté l’école que durant 3 ans).

Grande militante pour le droit de vote des femmes, l’éducation sexuelle, le sexe libre, et même la légalisation de la prostitution, Victoria Woodhull multiplie les conférences et crée même avec sa sœur un journal, le Woodhull and Claflin’s Weekly, entièrement financé par les bénéfices de leur maison de courtage, et dans lequel elle donne libre cours, sans censure, à son militantisme pour plusieurs causes extrêmement avangardistes et dérangeantes pour l’époque. Profondément féministe, elle a dit : « Ce n’est pas tant pour devenir courtière que je me suis installée à Wall Street, mais surtout parce que je voulais planter le drapeau de la rébellion des femmes au coeur du continent ».

Alors âgée de 34 ans, elle décide même de se lancer en politique en se présentant aux élections américaines de 1872 pour le parti « Equal Rights Party », faisant d’elle la première femme à se présenter aux élections américaines. Un geste d’une audace incroyable à une époque où les femmes n’avaient pas encore le droit de vote ! Son colistier n’est nul autre que Frederick Douglass, le grand militant abolitionniste noir et fervent défenseur des droits civils. Hélas, le jour de l’élection, elle est arrêtée et emprisonnée pour avoir tenu des propos obscènes dans son journal, ayant dénoncé « l’hypocrisie de la morale sexuelle ». Sous ce prétexte, les bulletins de vote la concernant ne seront jamais comptés. Dans la presse, son surnom de « Queen of finance » se transforme en « Mrs Satan » et les rumeurs, moqueries et caricatures se multiplient.

Ébranlée par cette arrestation, épuisée par un deuxième divorce qui a grandement sali sa réputation en mettant au grand jour les détails de son passé, privée du support de Vanderbuilt et de nombreux autres qui ne veulent plus être associés à ce qu’elle représente, elle déménage quelques années plus tard en Angleterre, toujours avec sa sœur, pour y poursuivre ses conférences désormais courues. C’est lors de l’une d’elles qu’elle rencontre son troisième mari, John Biddulph Martin, un richissime banquier anglais avec qui elle demeurera jusqu’à la mort de celui-ci vingt ans plus tard. Durant cette période, bien que toujours féministe, son discours se nuancera fortement, particulièrement en ce qui a trait à sa défense de l’amour libre. Elle survivra trente ans à son mari, se consacrant à la cause des suffragettes, à des œuvres sociales et à sa passion pour les automobiles et la conduite de vitesse ! Surprenante jusqu’à la fin ! Elle meurt en Angleterre à l’âge de 88 ans.

Même si la firme de courtage Woodhull, Claflin & co n’a pas survécu aux suites de la crise de 1873, elle marquera l’histoire. En effet, il faudra pratiquement un siècle pour qu’à nouveau, en 1967, une autre femme, Muriel Siebert, s’introduise dans le « boy’s club » des courtiers et obtienne un siège à la bourse de New York.

Sources :

Nicole Evelina, Madame Presidentess (2015, Lawson Gartner Publishing)
https://www.businessinsider.com/victoria-woodhull-first-female-broker-2015-10
https://www.theglobeandmail.com/investing/markets/inside-the-market/article-how-victoria-woodhull-made-a-fortune-in-the-stock-market/
https://bumped.com/blog/victoria-woodhull-wall-streets-first-female-broker/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Victoria_Woodhull

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Cette information a été préparée par Pascal Charpentier qui est un conseiller en placements et gestionnaire de portefeuille pour l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles du gestionnaire de portefeuille uniquement et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. est membre du Fonds canadien de protection des épargnants et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.


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