Nos grandes banques canadiennes ont réussi à passer à travers la crise mondiale avec un lustre qui fait la fierté des Canadiens. Leur rentabilité est exemplaire et représenterait pour les banques internationales un modèle à suivre…
Dernièrement, je me suis penché sur les nouvelles normes que propose l’entente internationale de Basel 3, qui a pour objectif d’encadrer davantage les banques. Selon les nouvelles normes, les banques vont devoir détenir plus de capitaux propres (équité) par rapport à l’actif qu’elles gèrent, car c’est le niveau du capital propre des banques qui leur permet de se protéger contre les pertes éventuelles. Selon le comité de Basel 3, plus les banques auront de coussin, et plus faibles seront les chances qu’elles fassent faillite. Voici en quoi consiste une des normes principales de cette entente : Selon Basel 3, les banques devront dorénavant avoir un minimum de 8,5% de capitaux propres dans leur bilan afin de se qualifier pour le tier 1. Il est important de souligner que ce capital propre devra être constitué uniquement de capital action et de bénéfices non répartis. Le capital amené par les actions privilégiées ne se classera donc plus dans ce calcul pour atteindre les 8,5%.
Cette nouvelle législation bancaire m’a amené à regarder nos banques canadiennes afin de savoir si elles passaient le test. Pour y arriver, il suffit de prendre le total des capitaux propres, d’en soustraire le capital des actions privilégiées, et de le diviser par le total d’actifs que les banques ont sous gestion. J’ai vite constaté qu’aucune des grandes banques canadiennes ne se classaient dans ce ratio de 8,5%. Bien sûr, ce test ne nous garantie pas de la qualité bonne ou mauvaise d’une banque, mais c’est plutôt une norme de sécurité de capital. Voici donc les résultats :
- La Banque Nationale a pour 6,37 milliards d’équité pour 156,3 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 4,08%;
- La Banque Royale a pour 38,3 milliards de capitaux propres pour 752 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 5,09%;
- La Banque Toronto Dominium a pour 43 milliards de capitaux propres pour 691 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 6,23%;
- La Banque de Montréal a pour 25,5 milliards de capitaux propres pour 481 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 5,93%;
- La Banque de Nouvelle Écosse a pour 33,3 milliards d’équité pour 579 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 5,75%;
- La Banque Impériale de Commerce a pour 12,7 milliards d’équité pour 346 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 4,10%;
Enfin, deux exemples de banques américaines qui, elles, passent le test:
- Bank Of America a pour 211,8 milliards d’équité pour 2265 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 9,35;
- Wells Fargo a pour 114 milliards de capitaux propres pour 1258 milliards d’actifs, ce qui donne un ratio de 9,07%.
On comprend mieux pourquoi le premier ministre canadien avait refusé de joindre sa voix aux autres membres du G20 afin de recapitaliser les banques mondiales, car si jamais les banques canadiennes devaient être obligées de se recapitaliser, elles devraient toutes émettre des actions afin d’augmenter leur base d’équité, ce qui viendrait grandement diluer l’actionnariat. Prenons l’exemple de Banque Nationale. En supposant qu’elle décide de garder tous ses actifs, pour se capitaliser à 8,5%, elle devrait augmenter ses capitaux propres de 7,1 milliards. Si elle se finançait au prix actuel de son action de 77 dollars, il faudrait qu’elle vende 92 millions d’actions, ce qui ferait passer son total actuel de 164 millions d’actions à 256 millions d’actions, faisant inévitablement chuter les bénéfices par action à court terme. Par le fait même, une telle manœuvre mettrait un bouchon sur la croissance des bénéfices pour les prochaines années.
Est-ce que les Banques Canadiennes vont pouvoir faire longtemps bande à part? Je n’en ai pas la moindre idée. Comme plusieurs ont des activités au Sud de notre frontière, il est à présager que la pression sera très forte sur elles pour qu’elles se recapitalisent au même titre que les autres banques à l’international. Il faut s’attendre à ce qu’il y ait de nombreuses tractations politiques à ce sujet dans les prochaines années. Entre vous et moi, est-ce normal qu’une banque détienne seulement 4% de capitaux propres dans un environnement financier rempli de risques et de dangers? À mon avis, 8,5% me semble une norme de sécurité minimale afin d’éviter qu’on ne connaisse une autre crise comme celle de 2008. Bien sûr, il n’y a pas seulement les capitaux propres qui constituent une sécurité, mais c’est une base minimale.