Pascal Charpentier

Depuis que je fais ce travail, je n’ai jamais vu autant de compagnies racheter aussi massivement de leurs propres actions en bourse qu’au cours des dernières années. Tous ces profits, qui devraient normalement retourner dans l’économie, sont tout simplement éliminés. En d’autres mots, au lieu que tous ces milliards servent à créer des emplois, à construire des nouvelles bâtisses ou acheter du nouveau matériel, ou encore à générer de plus gros dividendes pour leurs actionnaires, cet argent est utilisé pour réduire le nombre actionnaire. Cette mécanique, qui ajoute beaucoup de valeur à l’action, n’a pas pour effet de créer beaucoup d’emplois! Comment en vouloir aux entreprises de vouloir bien gérer leur capital, lorsqu’il est financièrement beaucoup plus intéressant et moins risqué pour elles de racheter leurs actions que de dépenser sur de nouveaux projets? On ne peut que saluer ces décisions éclairées, prudentes, et financièrement très rentables pour les actionnaires, bien que cela ne plaise pas aux dirigeants des banques centrales, qui reprochent aux compagnies de ne pas retourner l’argent dans l’économie.

Il est vrai que le marché financier actuel déprimé offre une opportunité extraordinaire aux entreprises d’éliminer massivement leurs actions en bourse. En effet, si les actions se transigeaient à leur juste valeur, il y aurait certainement moins de rachat d’actions, et les PDG seraient forcés à trouver de nouveaux débouchés.  Il est évident que cette allocation de l’argent a un impact important sur la croissance de l’économie, qui serait plus forte sans ce phénomène généralisé à travers de nombreuses grandes compagnies. Quand une seule compagnie comme Walmart rachète pour 42 milliards de dollars d’actions au cours des 5 dernières années, il s’agit de beaucoup de capitaux qui ne retournent pas directement dans l’économie! Bien sûr, comme le dit le dicton, rien ne se perd rien ne se crée. Théoriquement, toute cette valeur devrait donc se refléter instantanément dans le prix de l’action, mais puisque les marchés sont actuellement lents à réagir, l’effet d’enrichissement pour les actionnaires peut  parfois s’ajuster seulement quelques années plus tard, comme ce fut le cas pour Walmart.

Cette mécanique n’est peut-être pas très favorable pour l’économie à court terme, mais elle l’est pour les actionnaires à long terme. Donc, même si l’économie semble moribonde, il est important de réaliser que derrière ces chiffres économiques anémiques se cachent de petits miracles financiers au niveau des compagnies qui ont su tirer parti de cette manne. En d’autres mots, la morosité des marchés financiers a bien servi les administrateurs des compagnies qui ont su créer beaucoup de valeur pour leurs actionnaires. Les récompenses commencent à peine à se manifester pour les détenteurs de ces actions. Nous ne sommes pas rendus à la fin des comptes…

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