Pascal Charpentier

Suite à mon texte du 24 août, je veux m’attarder sur le phénomène intrigant que l’on vit présentement, c’est-à-dire la présence d’écarts importants de cours/bénéfice entre les compagnies.  Actuellement, plusieurs compagnies se transigent avec des cours/bénéfices fort supérieurs à la moyenne, tandis que d’autres se transigent bien en-deçà de la moyenne. Les compagnies ayant un cours/bénéfice élevé sont dites de croissance, tandis que les compagnies avec un cours/bénéfice peu élevé sont dites de valeur. Alors, comment expliquer des écarts si grands? Cela s’explique en grande partie par un effet de concentration, c’est-à-dire qu’une majorité d’investisseurs sont investis sur les mêmes titres. Ils recherchent ce qui bouge et sont persuadés que les cours/bénéfices élevés de leurs compagnies en bourse sont justifiés par les perspectives sans faille de ces compagnies.  De l’autre côté, il y a une série de titres valeur qui sont laissés pour compte, oubliés et boudés parce qu’ils n’ont pas bougé depuis des années !

Mais soyons franc, à valeur égale, les chances de faire de l’argent sont meilleures si vous payez le moins cher possible pour les profits qu’une compagnie fait, et le risque est normalement moindre si l’action se transige déjà avec un rabais important. Mais le fait d’être à rabais n’est pas non plus une garantie du potentiel de la compagnie et un travail de recherche approfondie est nécessaire pour dénicher les perles rares. Notre évaluation doit pouvoir se mesurer à l’aide de plusieurs critères importants à prendre en considération. Une première bonne étape est de sélectionner des titres valeur avec une croissance des bénéfices stables en payant le plus bas prix pour ses profits. Il y a plusieurs méthodes pour l’évaluer, mais la plus commune est d’utiliser le cours/bénéfice. En gros, plus vous avez de bénéfices pour le prix que vous payez (cours/bénéfice bas), plus votre potentiel est élevé. À l’inverse, plus vous payez cher pour une compagnie (cours/bénéfice élevé), plus cela hypothèque vos chances de faire des profits même s’il s’agit d’une compagnie extraordinaire!

Dans le Report on Business du 25 août dernier, Georges Athanassakos,  professeur de finances à la Richard Ivey School of Business, tenait ces propos : « Le marché est trop optimiste sur les compagnies de croissance et trop pessimiste sur les compagnies de valeur. Résultat : les investisseurs actuels surévaluent les compagnies à multiples élevés [cours/bénéfices élevés] et laissent de côté celles avec de bas multiples.

Selon la théorie des marchés, qui est encore enseignée dans les universités [et sur laquelle reposent les investissements de type croissance], les bas multiples indiqueraient qu’il n’y ait pas de perspective de croissance, tandis que les compagnies à multiples élevés sont justifiées par leur taux de croissance exceptionnel, soutenu et sans faille ».  Selon lui, cette mathématique ne tiendrait pas vraiment la route. Il peut y avoir des écarts justifiés, mais pas à des niveaux disproportionnés. Il ajoute qu’ « une confiance surévaluée sur certaines compagnies amènerait des investisseurs à les payer trop cher. Inévitablement, cela engendre de grandes déceptions lorsque le marché corrige. De l’autre côté, lorsque les investisseurs sont pessimistes à tort sur un titre, ils sont agréablement surpris dans un marché haussier et non démoralisés lorsque les marchés baissent.  Toujours selon Monsieur Athanassakos, cela se traduit par un rendement annuel historique qui serait supérieur de 7 % pour les portefeuilles de type valeur aux États-Unis, versus les portefeuilles de type croissance.

Une chose est sûre : pour avoir un portefeuille de ce type là, vous devez sortir des sentiers battus et oser aller vers des titres qui, au premier abord ne semblent pas intéressants, soit parce qu’ils n’ont pas bougé depuis plusieurs années, soit parce qu’ils sont tout simplement boudés. Vous vous placez alors aux premières loges lorsque ces derniers prendront leur envol.

Les écarts actuels importants entre les compagnies font en sorte que je suis très vigilant et un peu sceptique lorsque j’entends parler de records boursiers et de surévaluation. J’apporterais une nuance importante : ce ne sont pas tous les titres qui ont monté simultanément. À l’inverse de l’eau qui monte uniformément pour combler un espace, la hausse du marché boursier ressemble plutôt à un remplissage avec des cailloux. En ce moment, il y a des zones qui ressemblent à des pics (des compagnies sur évaluées), mais aussi plusieurs espaces creux (des compagnies-aubaines), qui tôt ou tard vont rejoindre le niveau du reste de l’espace.

Dernier point quant à la hausse du marché, le Standard & Poor’s a dépassé la marque des 2000 points, ce qui semble rendre nerveux beaucoup d’investisseurs. Mais il ne faut pas confondre « record d’indice » et « bulle », comme ce fut le cas en 2000, lorsque le même indice se transigeait à 1500 points et à plus de 40 fois ses bénéfices. À cette époque, il s’agissait d’un record et d’une bulle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisqu’ à 17.5 fois, on est davantage dans la norme.

 

Ne manquez aucun article, inscrivez-vous à notre infolettre!

Partager / Share