Il y a quelques semaines, j’ai rencontré plusieurs finissants universitaires en finance afin de sélectionner un candidat pour me seconder dans mes tâches de gestion de portefeuille. Après 10 rencontres, j’ai constaté que l’approche valeur n’est toujours pas enseignée dans nos universités et cela malgré le succès d’investisseurs chevronnés et les statistiques qui prouvent la supériorité à long terme de cette approche.
Selon le professeur Georges Athanassakos, chef du département de la Richard Ivey School of Business de l’Université de Western Ontario, notre nature humaine nous empêcherait de pouvoir appliquer avec rigueur cette approche et nos émotions seraient responsables du sabotage. L’approche valeur demande de la patience et nous n’en avons pas ! Elle demande d’être mesurés et méthodiques alors que nous réagissons constamment et sommes impulsifs. Pour ajouter à cela, nous cherchons toujours à suivre la masse ; il nous est insupportable à être à l’extérieur du troupeau ! Pour mesurer notre émotivité, Monsieur Athanassakos se sert d’une recherche que la compagnie en placements Fidelity a faite sur la piètre qualité des décisions prises par les investisseurs en général. Selon cette étude, les investisseurs de chez Fidelity auraient sous-performé de 5,9% en moyenne par année entre 1992 et 2011 par rapport au rendement des fonds dans lesquels ils sont investis. Wow ! Les émotions des investisseurs leur font vendre dans le bas et acheter dans l’euphorie du haut. Dans cette recherche, Fidelity arrive à la constatation fort intéressante : les clients qui ont le mieux fait avec leur fonds étaient ceux qui avaient oublié pendant des années qu’ils avaient un compte chez Fidelity. Comme le mentionne Warren Buffet, ce n’est pas une question de QI, mais de sang froid. Les meilleurs choix sont faits dans le calme et la mesure.
Bien que nos hautes écoles financières enseignent encore que les marchés financiers sont efficients (c’est-à-dire que les cours boursiers équivaudraient toujours au juste prix et prendraient en considération toutes les informations disponibles), aucun investisseur valeur n’adhère à cette théorie. En fait, l’écart entre ce que vaut un titre et le prix auquel il se transige est souvent démesurément important. Donc, le marché n’est pas véritablement efficient. Ce qui nous permet de trouver des titres vraiment sous-évalués, qui offrent de par ce fait une marge de sécurité supérieure au marché dans son ensemble. Comme le souligne le professeur de la Richard Ivey School of Business, cela exige beaucoup de conviction car souvent, lorsque ces titres se retrouvent en zone de rabais, c’est que plus personne n’en veut. Une bonne méthode et une solide structure d’analyse peuvent vous empêcher d’être emporté par le piège des émotions.
Un outil qui peut aider dans la prise de décisions est de se mettre des points de repère pour chacune des compagnies pour laquelle nous désirons être investis, c’est-à-dire un prix d’achat optimal fixé et un prix de vente établi à l’avance. Ces paramètres nous évitent donc de s’en remettre à nos sentiments pour prendre une décision. Bien sûr, il faut quand même rester souple et pouvoir se réajuster en cours de route quand c’est pertinent. Par exemple, l’été dernier, lorsque j’ai acheté Métro à 65$, je me suis fixé un objectif à 125$ sur 4 ans. Mais il y a 2 semaines, lorsqu’il a atteint 109,50$ (36,50$ X3), j’ai réalisé qu’il me restait seulement 15$ de mon objectif à atteindre sur 3 ans. J’ai donc préféré vendre et me repositionner sur un autre titre.
Puisque chaque décision comporte un degré d’erreur, un autre outil est d’éviter d’en prendre trop. Peu de décisions, mais des décisions solides. Lorsque j’embarque dans une position, j’essaie toujours d’avoir un potentiel de rendement très important, qui m’amène à avoir un objectif à long terme. Cela m’empêche de me laisser distraire par des variations à court terme et de toujours vouloir changer de positions. Mon focus est sur mon objectif final et je me laisse le temps nécessaire pour y arriver.