Pascal Charpentier

Lorsque l’on pense à des livres marquants en finance, il y a bien sûr “L’investisseur intelligent” de Benjamin Graham écrit en 1949, mais on ne peut passer à côté du “Le petit livre qui bat le marché” de Joel Greenblatt, écrit en 2005 .  Ayant conçu ce livre pour que son garçon de 12 ans puisse le comprendre, ses propos sont simples,  concis et  surtout percutants.

Il y a 2 ans, j’ai fait des entrevues avec des finissants universitaires en finance afin de trouver quelqu’un pour me seconder dans mes tâches. Dans les échanges que j’ai eus avec les candidats rencontrés, j’ai vite constaté que l’approche valeur n’était plus, ou pas vraiment enseignée comme matière universitaire au premier cycle, approche qui a pourtant été démontrée d’innombrables fois comme étant la plus payante à long terme au cours des dernières décennies et qui est celle utilisée par les meilleurs investisseurs du monde, tel que Buffett.   Comme il m’était difficile de me faire une idée sur ces candidats, je leur ai proposé qu’ils m’écrivent un court résumé sur ce qui constitue une bonne mesure de quantité d’une action en bourse et une bonne mesure de qualité d’une entreprise. Devant l’embarras provoqué par ma question, je leur ai proposé d’aller trouver la réponse dans “Le petit livre qui bat le marché”.  Sur 11 candidats, seulement trois se sont prêtés au jeu : deux, n’ayant pas trouvé la source, m’ont remis des réponses qui n’étaient pas très appropriées. Le seul qui ait répondu correctement travaille en ce moment avec moi. Bravo Olivier ! Il faut croire que ceux qui cherchent trouvent.

Selon Greenblatt, la mesure de qualité par excellence d’une entreprise est son retour sur le capital. Cette mesure est généralement le résultat de la bonne performance de plusieurs autres mesures de qualité telles que la qualité des produits et des services d’une entreprise, la fidélité des clients, la valeur de sa marque, le talent de ses dirigeants, la force de ses concurrents ou les perspectives à long terme de son secteur économique, mesures qui sont plus ardues à évaluer. De plus, une société avec un fort retour sur capital a la capacité de réinvestir ses profits avec le même bon rendement. Afin de comprendre le retour sur le capital, Greenblatt prend l’exemple de Jason qui ouvre une boutique de gommes à mâcher. Chaque boutique lui a coûté 400 000$ et lui rapporte annuellement 200 000$ de profit, ce qui correspond à un extraordinaire retour sur capital de 50 %. Son ami, Jimbo, quant à lui, a une boutique appelée “Brocolis et rien d’autre“ qui lui a aussi coûté 400 000$, mais qui ne lui rapporte que 10 000$ par année, pour un retour sur capital de 2,5 %. Si nous avions à mesurer la qualité de ces deux entreprises à partir du critère du retour sur capital, la boutique de chewing gum serait un meilleur choix, d’autant plus que Jason a la capacité de réinvestir chaque 200 000$ en ouvrant d’autres succursales, avec le même retour de 50 % !

Quant à la mesure de quantité préconisée par Greenblatt, elle se rapporte au rendement d’une entreprise qui se transige en bourse. En d’autres mots,  combien obtient-on de bénéfices par rapport au prix que l’on paie ? Par exemple, si “La boutique du chewing gum de Jason” a gagné 1,20 $ par action l’an dernier (1,2 million de bénéfice divisés par 1 million d’actions), et que le prix en bourse est de 12 $ par action, le rendement a été de 10 % (1,20 $ divisé par 12 $). Si la compagnie avait plutôt gagné 2,40 $ par action, le rendement aurait été de 20 % (2,40 $ divisés par 12 $). L’objectif est bien sûr de trouver des entreprises qui génèrent beaucoup de rendement par rapport au prix payé.  En général, il s’agit d’entreprises qui se transigent à rabais, donc fortement en deçà de leur valeur. Vous aurez compris que la mesure du rendement n’est autre que le fameux ratio cours-bénéfice, mais inversé, c’est-à-dire que le rendement de 20 % dont on vient de parler pourrait aussi être présenté comme un ratio cours-bénéfice de 5 fois (12 $ divisés par 2,40 $) et celui de 10 %, un ratio cours-bénéfice de 10 fois (12 $ divisés par 1,20 $). Un rendement élevé correspond à un ratio cours-bénéfice bas, et inversement.

L’idée de Greenblatt est de sélectionner des investissements qui combinent à la fois un bon retour sur capital et un rendement élevé des bénéfices sur le prix payé en bourse, calcul qu’il présente sous la forme ludique d’une formule magique.  Cette approche a pour objectif d’offrir une marge de sécurité et permet à terme d’obtenir les investissements les plus profitables qui soient.

Je vois déjà venir certaines questions : “Comment une compagnie extraordinaire peut se transiger à un prix de rabais ? Cela ne fait aucun sens…”  La formule de Greenblatt repose sur le fait que le marché est inefficace pour établir de façon rationnelle les prix à court terme. Comme il le dit, “Monsieur le Marché” agit comme une personne instable et impulsive qui peut acheter ou vendre nos actions à des courts déprimés ou excessifs, qu’il fixe lui-même selon son humeur du moment. À nous d’en profiter pour lui vendre nos parts quand il fixe un cours beaucoup plus élevé que la valeur de l’action, et de lui en acheter quand il fixe un cours plus bas que la valeur de l’action. Le fait est que le marché peut bouder d’excellentes entreprises qui ont un passage plus difficile ou dont la performance vit un léger déclin temporaire. Une courte stagnation est souvent tout ce que cela prend pour faire descendre aux abîmes un titre, comme si le marché devenait convaincu que l’entreprise ne valait plus rien, ayant pour résultat que son action finit par se transiger pour un temps à une fraction de sa véritable valeur. Heureusement, si l’humeur à court terme de Monsieur le Marché est si changeante, à long terme, c’est tout le contraire : Monsieur le Marché finit par prendre la bonne mesure et redevient rationnel en accordant aux actions leur juste prix. Le marché est donc influencé par ses humeurs, mais le temps finit par le ramener à la raison.

Comme Greenblatt le fait remarquer, si sa formule magique fonctionnait de façon permanente, tout le monde l’utiliserait et elle cesserait probablement de fonctionner, car les bonnes affaires disparaîtraient. Mais ce n’est pas le cas, et cela grâce à l’imperfection de la formule magique : elle ne donne pas des résultats instantanés, réguliers et linéaires. Cela fait en sorte que si elle est inefficace pendant certaines années, beaucoup d’investisseurs n’auront pas la patience requise, car leur horizon de placement est trop court. Pour citer l’auteur, “si une stratégie fonctionne avant tout sur le long terme, ce qui veut dire qu’il faut parfois trois, quatre et même cinq ans pour qu’elle démontre sa supériorité sur les autres, la plupart des gens s’enfuiront. Après une année ou deux de résultats inférieurs à la moyenne du marché (ou de gains moindres que ceux de leurs amis), ils se tourneront vers une autre stratégie, habituellement une de celles qui ont eu le vent en poupe les années précédentes.” Pourtant, dans ce livre, Greenblatt nous présente les résultats de son étude sur une période de 17 ans, démontrant que sa formule fonctionne “avec des profits annuels à long terme qui représentent le double, et dans certains cas le triple, de ceux des moyennes du Marché.” Mais ces résultats spectaculaires sont réservés aux investisseurs patients, capables de passer à travers les périodes de sous-performance …et surtout convaincus de l’efficacité de la formule magique !

Quelle idée géniale d’avoir, dans une formule simple, combiné une mesure qualitative interne de l’entreprise (le retour sur le capital) et une mesure de valeur quantitative externe en calculant le rendement de l’action. En joignant ces deux indices, vous avez une formule gagnante pour le long terme. Ce petit livre de 160 pages est vraiment une référence pour sa simplicité et son efficacité. Je vous invite à vous procurer la version originale, “The Little Book that Beats the Market”, car dans sa traduction française de Roland Monet de 2006, quelques termes financiers portent à confusion.

N’hésitez pas à communiquer avec nous pour découvrir notre offre en placement. Il nous fera plaisir de vous aider à saisir des opportunités sur les marchés financiers.

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Cette information a été préparée par Pascal Charpentier qui est un conseiller en placements et gestionnaire de portefeuille pour l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles du gestionnaire de portefeuille uniquement et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. est membre du Fonds canadien de protection des épargnants et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.

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