Pascal Charpentier

Dans un contexte de très bas taux d’intérêt, il est normal que les épargnants soient friands de bons dividendes. Mais encore faut-il que ces dividendes soient soutenables à moyen terme. Dans l’analyse qui suit, nous allons voir ce qui peut se cacher derrière les grosses distributions que certaines compagnies veulent maintenir. Nous verrons aussi que le taux de rendement qu’une compagnie donne n’est pas nécessairement un indicateur valable pour évaluer la qualité ou le potentiel de l’entreprise. À cette fin, nous comparerons la compagnie de fonds immobiliers Cominar et la compagnie de télécommunication Verizon. En considérant uniquement le paiement annuel, on pourrait être davantage attiré par le rendement alléchant de 8% de la compagnie Cominar contre un rendement de 5,1% pour la compagnie Verizon. En examinant de plus près comment s’y prennent ces deux compagnies afin de comptabiliser leurs bénéfices, on constate que la compagnie qui paie le meilleur dividende n’est pas nécessairement la meilleure opportunité.

Tout d’abord, il faut savoir que Cominar est une fiducie immobilière qui ne paie pas d’impôts sur ses bénéfices alors que la compagnie Verizon, elle, paie 35% d’impôt, ce qui la motive à trouver des manières pour diminuer la part de ses bénéfices qui partira au gouvernement. Pour y arriver, elle utilise des amortissements substantiels qui viennent baisser considérablement ses bénéfices nets déclarés. En 2016, sur 84,7 milliards d’actifs physiques, la compagnie a pris pour 15,9 milliards d’amortissement, ce qui a fait passer son bénéfice net de 24 milliards à 13,6 milliards. Il s’agit d’un taux d’amortissement de 16%. Vous conviendrez avec moi que les installations de la compagnie n’ont pas pu perdre autant de valeur en une seule année et que cette stratégie ne pourra pas être utilisée au-delà de la valeur comptable des installations. Cette mécanique légale, qui permet de sauver beaucoup d’impôts, se fait au détriment à court terme du bénéfice net. La compagnie fait des profits d’opérations extraordinaires, mais pour les apprécier, il faut les calculer avant les amortissements.

Regardons maintenant du côté de Cominar, qui a 7,8 milliards d’actifs immobiliers. En 2016, elle a pris seulement 2,4 millions d’amortissements, ce qui représente un taux annuel de 0,031% (contre 16% pour Verizon!) Vous comprendrez donc que la notion d’amortissements est très arbitraire et teintée par les objectifs des sociétés. La compagnie qui paie de l’impôt veut baisser sa facture d’impôt, et la compagnie qui ne paie pas d’impôt n’a pas cette motivation. Son objectif est plutôt de sortir les meilleurs résultats possibles. Il ne faut pas oublier que les investisseurs sont dans ces titres pour leurs bons dividendes. Ces compagnies, qui versent l’entièreté de leurs bénéfices en distribution, deviennent quelque peu prisonnières de leurs résultats ; elles veulent éviter à tout prix de devoir baisser leurs dividendes, ce qui les oblige à déclarer de bons bénéfices année après année.

Pour  y arriver , plusieurs compagnies de fonds immobilier ont développé une mécanique comptable permettant d’amoindrir plusieurs frais d’entretien, qui ne passent plus aux états des résultats. Pour ce faire, elles ont divisé ces charges dans deux catégories distinctes : frais de maintenance et frais d’investissements. Les frais de maintenance sont soustraits directement des revenus annuels et ont un impact direct sur les bénéfices nets, alors que les dépenses d’investissements ne sont pas appliquées aux charges.  Les chiffres qui suivent sont assez éloquents : en 2016, Cominar a inscrit 8,5 millions de frais de maintenance contre 110,7 millions d’investissements!  La règle est plutôt floue, et aussitôt qu’uneréparation comporte une notion d’amélioration, elle peut entrer dans les frais d’investissements. Par exemple un tapis changé pour un couvre-plancher en vinyle peut être interprété comme un investissement plutôt qu’une maintenance. Vous conviendrez que la ligne entre les deux cases est très mince. Cependant, le fait de sous-évaluer les charges véritables a un impact frappant sur les résultats. En effet, si Cominar avait ajouté dans ses frais annuels les 110,7 millions d’ « investissements », les profits seraient passés de 241,7 millions à 131 millions. Puisque la compagnie a versé 238 millions à ses porteurs de parts en 2016, il y aurait eu un manque à gagner de 107 millions, et le taux de distribution, qui a été officiellement de 97,63% (238/241), aurait été de 181,68% (238/131). Ces dépenses non inscrites aux résultats expliquent sûrement pourquoi la compagnie a dû augmenter à chaque année son nombre de parts. Il faut bien qu’elle trouve l’argent quelque part… Cominar a finalement baissé sondividende l’été dernier, mais compte-tenu de la situation, est-ce suffisant ?

À l’inverse, si Verizon n’avait pris aucun amortissement, au lieu de 3,87$ de profits déclarés, elle aurait fait 5,90$ de profits nets. Comme la compagnie a versé 2,36$ de dividendes en 2016, vous conviendrez avec moi que le dividende de la compagnie est loin d’être en danger puisqu’il ne représente que 40% des véritables profits d’opération de la compagnie (contre 181,68% des profits ajustés de Cominar!). Enfin, lorsque l’on ramène ces chiffres ajustés au prix des actions, la différence est marquante, comme vous pouvez le voir vous-même dans ce comparatif :

Cominar Verizon
Prix de l’action 14,25$ 47$
Profits ajustés 0,76$ 5,90$
Cours/bénéfices ajusté 18,4 fois 7.97 fois

À première vue, lorsque l’on observe uniquement les dividendes, on peut penser que l’investissement dans Cominar pourrait être une meilleure option que Verizon, mais lorsque l’on ajuste les profits des deux compagnies, on réalise que la compagnie de télécommunication nous offre beaucoup plus de profits  pour le prix payé. Et puisque le prix d’une compagnie à moyen terme est directement relié aux profits que la compagnie fait, les probabilités sont très importantes pour que Verizon s’apprécie  davantage que Cominar.  Brian Belski’s, stratégiste en chef pour la BMO, avait un commentaire très pertinent  ce matin dans le Globe Investor.  Plus votre stratégie de sélection de titres à dividendes est simpliste, moins elle est performante.  La méthode simple ici est d’acheter des titres avec les rendements les plus élevés. Nous avons découvert dans nos recherches  que les meilleures performances venaient des titres à distribution qui avaient la capacité  d’augmenter leurs dividendes dans le temps. Pour y arriver, les compagnies doivent avoir la marge de manœuvre pour le faire, ce qu’historiquement, la plupart des fonds immobiliers n’ont pas..

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Cette information a été préparée par Pascal Charpentier qui est un conseiller en placements et gestionnaire de portefeuille pour l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles du gestionnaire de portefeuille uniquement et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. est membre du Fonds canadien de protection des épargnants et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.

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