Pascal Charpentier

Dans sa 4e édition de l’Investisseur Intelligent de 1973, Benjamin Graham recommande au chapitre 7 une stratégie qui consiste à cibler les titres les plus sous-évalués de l’indice Dow Jones, titres qui traversent momentanément une période où ils sont abandonnés par les investisseurs. Il s’agit pourtant de grandes entreprises phares de l’économie américaine sélectionnées et révisées à chaque année par un comité de sélection du Dow Jones sur des bases de qualité et de rayonnement. Selon M. Graham, ces grandes sociétés disposent de ressources importantes et d’un savoir pointu qui leur permettent de passer à travers les adversités. Selon lui, ces compagnies ont tendance à s’apprécier plus rapidement que la moyenne des titres lorsque les choses s’améliorent.

Il recommande de sélectionner les six ou dix titres ayant les cours/bénéfices les plus bas de l’indice. Selon lui, l’impopularité se transpose en rabais significatif et lorsque le titre reprend une certaine notoriété, son ratio cours/bénéfices s’accroît, ce qui se traduit par une hausse du prix de l’action plus importante que la moyenne.

Dans son chapitre, il fait la démonstration de la valeur de cette approche en calculant le rendement obtenu par les dix actions avec le plus bas ratio cours/bénéfices en début d’année. Le portefeuille est révisé à tous les 12 mois. Comme vous pouvez voir dans le tableau de M. Graham, de 1937 à 1969, les dix compagnies avec les ratios les plus bas obtiennent un rendement moyen de 11,50%, les dix compagnies avec les ratios les plus élevés obtiennent 2,12% et l’indice total obtient 6,38%.

Rendements annuels moyens de 1937 à 1969

Période

10 plus bas ratios Cours/Bénéfices

10 plus hauts ratios Cours/Bénéfices

les 30 actions du Dow Jones

1937-1942

-2,20%

-10,00%

-6,30%

1943-1947

17,30%

8,30%

14,90%

1948-1952

16,40%

4,60%

9,90%

1953-1957

20,90%

10,00%

13,70%

1958-1962

10,20%

-3,30%

3,60%

1963-1969

8,00%

4,60%

4,00%

Moyenne Géométrique

11,50%

2,12%

6,38%

Source : L’investisseur intelligent, Benjamin Graham 1973 p.164

Sur les 34 années d’études, il y a seulement trois années où les actions à rabais ont moins bien fait que l’indice, 6 années ou les rendements étaient similaires et 25 années où elles ont surperformé l’indice.

Cette statistique est impressionnante, mais comme elle date de plusieurs décennies, je me suis amusé à regarder le résultat des 6 titres avec le plus bas cours-bénéfices de l’indice d’octobre 2013 à octobre 2018. Cependant, au lieu d’ajuster le choix des compagnies à chaque année comme l’a fait Graham, les titres ont été détenus pour toute la période.

Lorsqu’on regarde cette liste des 6 titres les moins chers du Dow Jones d’octobre 2013, on retrouve Cisco, Intel, Microsoft, Pfizer, AT&T et Verizon. Certaines de ces sociétés sont toujours en rabais, mais d’autres ont littéralement explosé. Personne n’était enthousiaste sur Microsoft en octobre 2013 alors qu’il se transigeait à 33 $; cinq ans plus tard, il est maintenant à plus de 115$. Cisco est passé de 20.25 $ à 49 $; Intel est passé de 22,50 $ à 49 $; Pfizer est passé de 29 $ à 44,75 $; Verizon de 47 $ à 54,60 $ et AT&T, de 33,75 $ à 34 $. C’est électrisant de voir comment des titres délaissés d’hier peuvent devenir très convoités et se transformer en locomotive dans un portefeuille.

Un portefeuille équilibré avec ces six titres en octobre 2013 aurait donné un rendement composé (incluant les dividendes) de 13,40 % sur cinq ans. (Source : Yahoo finance)

allocation

Symboles

Noms

Allocation

MSFT

Microsoft

16,67%

CSCO

Cisco

16,67%

INTC

Intel

16,67%

PFE

Pfizer

16,67%

VZ

Verizon

16,67%

Lorsqu’on regarde les six noms les moins chers du Dow Jones aujourd’hui, on arrive encore à un bon départ de titres qui pourraient réserver des surprises comme ce fut le cas avec la liste de 2013. Les voici : Verizon, Walgreens, IBM, Intel, Goldman Sachs et JP Morgan. AT&T aurait encore été le premier dans cette liste, mais il ne fait plus partie du Dow Jones a été remplacé dans l’indice par Apple en 2015. La méthode qui consiste à choisir des titres sous-évalués et les garder sur une longue période de temps donne des résultats spectaculaires. Si les données historiques s’avèrent toujours un guide valable, alors les titres avec des cours/bénéfices bas faisant partie de l’indice Dow Jones ont une très bonne chance de surperformer la moyenne. La méthode a fait ses preuves, mais il faut accepter qu’elle ne batte pas le marché tous les ans. Surtout quand il y a des écarts d’évaluation majeure, comme c’est le cas actuellement sur les marchés.

Source : The intelligent Investor, Revised Edition. 1973 Benjamin Graham

Ne manquez aucun article, inscrivez-vous à notre infolettre!

Partager / Share