Dans son entrevue récente accordée à TVA (https://www.qub.ca/radio/balado/a-vos-affaires?audio=1097881184), Marc Bédard, dirigeant de la compagnie Lion Électrique, avait des propos très rassurants sur son entreprise, allant jusqu’à dire que l’entreprise n’était pas à vendre, malgré une baisse de près de 90% du prix de l’action. Il s’est même permis d’ajouter qu’il serait en mode achat. Il faut le faire, dans le contexte financier périlleux de la compagnie! Je me permettrais de qualifier cette sortie de fanfaronnade…
Un discours contradictoire avec les chiffres de la compagnie
Pour moi, cette entrevue, plus qu’informative, était une entrevue dans le but de limiter les dégâts. Monsieur Bédard est un communicateur charismatique. Il connaît le potentiel de son industrie pour toucher les valeurs chouchous de notre société actuelle étant donné l’urgence climatique. Malgré cela, je suis loin d’adhérer au discours de Monsieur Bédard lorsque je me plonge dans les chiffres de Lion Électrique. Il faut dire que cela fait quelques années que je suis les résultats de l’entreprise. Malheureusement , les derniers résultats qui sont sortis n’étaient pas différents de ceux que j’ai vus par le passé.
Je vois un danger important poindre à l’horizon que je vais vous expliquer à l’aide de quelques chiffres. Les extraits suivants de l’état des résultats et du bilan sommaire de Lion Électrique. On peut y voir qu’en date du 31 mars, il ne restait que 36 millions de liquidités à la compagnie. En parallèle, dans le dernier trimestre, la compagnie a perdu 21 millions (80 millions au cours de la dernière année). Et ce, malgré l’émission de 30 millions de nouvelles actions au cours de la dernière année! En d’autres mots, cela signifie qu’au rythme actuel, l’entreprise a des liquidités pour environ 4 ou 5 mois!
Source: Sedar.com
Lion Électrique dans le cercle vicieux de la course au capital
J’ai vu ce scénario des dizaines de fois: l’entreprise va devoir, pour survivre, aller encore chercher du capital-actions. Comment? En émettant des actions, ce qui va diluer l’avoir des actionnaires actuels, ce qui va encore faire baisser le prix de l’action. Par exemple, pour aller chercher 100 millions au prix actuel, elle devra émettre plus de 50 millions d’actions! En comparaison, lorsque l’action était à 20$, elle aurait seulement eu à en émettre 5 millions pour lever le même capital.
Un cercle vicieux s’installe alors. En effet, les actionnaires qui constatent une dilution de leurs actions ont tendance à quitter. Et cela fait à nouveau chuter le prix de l’action. C’est le cercle vicieux de la course au capital. Le chronomètre de la survie est parti. La compagnie brule tellement de capital qu’elle a sans arrêt besoin d’émettre des actions pour financer ses déficits, à un prix toujours plus bas. Le scénario le plus probable, selon moi, est que cette société se retrouve dans une situation financière très difficile. Elle pourrait même probablement devoir faire face à une restructuration de capital.
Don ou investissement?
En résumé, ce n’est pas ce que la compagnie fait qui est mauvais, mais son modèle financier n’est tout simplement pas viable. La mission de Lion est certes louable et la compagnie contribuera certainement à faire avancer ce secteur à l’avenir prometteur. Mais à quel prix pour les investisseurs? En tant qu’investisseur, vous devez vous demander : est-ce que je veux faire un don ou un investissement avec mon argent? Dans le premier cas, vous choisirez un projet en lien avec vos valeurs et auquel vous souhaitez contribuer financièrement, quitte à ne pas récupérer votre argent. Peut-être Lion Électrique… Pourquoi pas? Dans le deuxième cas, vous choisirez une compagnie solide financièrement, rentable et résiliante, certainement pas Lion Électrique…