Pascal Charpentier

Depuis la dernière crise, les marchés économiques et financiers ont traversé une phase d’ajustements importante. Nous sommes sortis de la crise mais nous ne sommes pas revenus dans des paramètres standards de reprise avec une croissance économique soutenue d’au moins 4%, ce qui fait que les compagnies en général ne sont plus supportées autant qu’avant au niveau de la croissance de leur chiffre d’affaires. Malgré cela, plusieurs d’entre elles continuent à créer de la richesse pour leurs actionnaires. En effet, des gestionnaires d’entreprise vigilants et prudents ont su s’ajuster en optant pour l’optimisation plutôt que pour la croissance tout azimut. En augmentant leur marge et en rachetant massivement leurs actions en bourse, ces compagnies continuent de faire progresser leurs bénéfices par action année après année, phénomène exceptionnel qui passe trop souvent sous silence.  Lorsqu’une compagnie publie ses résultats, les analystes ou les médias financiers font souvent référence à la croissance anémique de son chiffre d’affaire, mais ils ne mentionnent pas que la compagnie a éliminé 2% de ses actions au cours du trimestre. À mon avis, ces spécialistes du marché n’accordent pas encore l’importance qu’il faut à cette manière de créer de la richesse pour les actionnaires, qui ne rime pas toujours avec croissance du chiffre d’affaire.

Plusieurs investisseurs s’inquiètent actuellement de la progression actuelle des marchés américains, redoutant une correction prochaine. Regardons ensemble ce qui en est : Avec 120$ de profits envisagés pour l’année 2014, l’indice Standard & Poor’s 500 se transige à 14,9 fois son cours/bénéfice de l’année prochaine. Selon moi, on est loin de l’exagération, et encore plus loin d’une bulle comme certains le prétendent. On est sur des moyennes de ratio historiques assez normales. Dans le contexte actuel de bas taux d’intérêt qui risque de perdurer encore longtemps, on pourrait même naviguer sur une moyenne des cours/bénéfices qui s’approcherait davantage des 17 fois. Ce qui me frappe davantage que ce ratio moyen, c’est de constater l’écart des cours/bénéfice entre les différentes compagnies. Il n’est pas rare de voir des compagnies de qualité se transiger à 25 fois ses bénéfices nets tandis que d’autres, de qualité similaire, se transiger à 10 fois! On ne peut donc pas parler ici d’un marché homogène. Plusieurs compagnies offrent beaucoup de valeur ajoutée, alors que d’autres, très peu. Ce faisant, même si le marché bousier américain a progressé de façon spectaculaire cette année, cela ne veut pas dire qu’il ne reste plus de valeur ajoutée à aller chercher. Il faut tout simplement faire une sélection adéquate car le marché pourrait s’ajuster en créant un effet de pistonnage entre les compagnies surévaluées et celles sous-évaluées, phénomène qui s’est déjà produit par le passé, comme en 2000 lorsque les titres croissance s’étaient effondrés et que certains titres dits valeur avaient progressé de façon spectaculaire dans les années qui ont suivi.

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