Lorsque l’on parle des personnes qui ont eu une influence dans la carrière de Warren Buffet, il est naturellement question de Benjamin Graham, mais on pourrait aussi ajouter le nom du scientifique et entrepreneur Henry Singleton, le champion de l’allocation d’actifs. Monsieur Singleton a été le précurseur de la mécanique des rachats d’actions en bourse, mécanique avant-gardiste dans les années 70 et qui a fait école dans le domaine.
Tout d’abord, qui était Henry Singleton ? Il est né en 1916 sur une ferme du Texas et il a fait ses études en mathématiques au Massachussetts Institute of Technology (MIT) dans lequel il s’est distingué pour avoir gagné le Putnam Price Distinction, décerné par l’association américaine de mathématique. Au début de la deuxième guerre mondiale, il est rapidement recruté par la marine américaine afin de travailler sur des projets militaires top secrets tel que l’élaboration du fameux système permettant d’éliminer complètement les champs magnétiques des navires afin qu’ils soient indétectables par les sonars des sous-marins allemands. Après la guerre, il retourne au MIT et décroche son doctorat en 1950. Il travaillera ensuite pour Hughes Aircraft et pour Linton Industry. Finalement, en 1960, avec un collègue de chez Linton, il a l’opportunité de racheter une compagnie technologique en difficulté, Teledyne, qui était fournisseur pour l’armée américaine.
C’est à partir de ce moment que le génie pour la finance de Singleton va se déployer. Il va utiliser cette compagnie pour effectuer en une décennie 130 acquisitions, tant dans son domaine que dans d’autres. Il utilisait la notoriété de sa compagnie et la valorisation importante de son action en bourse pour monétiser en actions l’achat de ses rivales, qui se transigeaient en moyenne à des ratios beaucoup moins élevés que Teledyne. En d’autres mots, il payait avec une devise-action surévaluée des entreprises sous-évaluées.
Puis, au début des années 70, l’engouement pour les holdings du genre de Teledyne a passé de mode ; s’en est suivie une correction majeure qui a ramené l’action de Teledyne à des multiples de cours/bénéfice vraiment déprimés, à 5 ou 6 fois ses bénéfices. Lorsque cela s’est produit, Singleton a inversé son allocation d’actifs : au lieu de grossir par l’extérieur en rachetant des rivales, il a déployé tous ses capitaux libres de l’entreprise pour racheter les actions de Teledyne en bourse. De 1972 à 1984, le prix de l’action déprimé et les rachats massifs et disciplinés ont permis à Teledyne de continuer son rythme de croissance des bénéfices par action de la précédente décennie. Au cours de cette période, Singleton aurait éliminé près de 83% des actions de la compagnie. Pour lui, les flux de trésorerie étaient mieux utilisés en rachetant des actions plutôt qu’en versant aux actionnaires des dividendes qui n’allaient plus rien produire pour la compagnie. Voici des propos que Henri Singleton tenait pour le magazine Forbes en 1979 : « Les entreprises américaines sont obsédées par la grosseur de leur entreprise. Pourtant, une entreprise qui se transige à seulement 5 fois ses bénéfices n’a aucun avantage à acheter des compétiteurs à 10 ou 15 fois les profits alors qu’elle peut se racheter elle-même à une fraction du prix. »
Comme vous pourrez le voir dans le tableau ci-bas, entre 1972 et 1984, les revenus ont presque triplé, les bénéfices nets ont multiplié par 9 fois, tandis que les bénéfices nets par action ont multiplié par 56 fois ! Donc, si quelqu’un avait acheté l’action pendant la crise en 73-74 alors que Singleton avait commencé à faire les rachats massifs aurait vu sa mise multiplier par plus de 40 fois 10 ans plus tard. Cette croissance exceptionnelle s’explique par l’augmentation naturelle des bénéfices mais surtout par la réduction massive du nombre d’actions.
Pour Warren Buffet, Henry Singleton détient le record pour son habileté à maximiser le capital d’une entreprise. Selon lui, il est déplorable que les exploits de Singleton ne soient pas enseignés dans les écoles de finance. Cela pourrait-il s’expliquer par le fait que ce dernier ne venait pas du monde de la finance mais du domaine scientifique ? En effet, les résultats spectaculaires de sa méthode financière de mathématique pure médusaient la presse financière et les spécialistes de l’époque, comme on peut le lire dans un des rares articles qui lui est attribué dans le Business Week du 31 mai 1982. Il est donc resté sous-estimé et relativement méconnu. Pourtant, ce scientifique de la finance mérite sûrement une place au panthéon des grands financiers du 20ème siècle.
Même si le contexte était extrêmement favorable au rachat d’actions dans les années 70, très peu de financiers ont su optimiser cette approche. Par contre, 40 ans plus tard, il semble qu’elle ait fait son chemin car plusieurs PDG d’entreprises avisés copient la mécanique de Henri Singleton.
Voici les propos de Charlie Munger, associé de Warren Buffet dans Berkshire Hathaway, sur Henry Singleton : « Il était 100% rationnel, ce qui est très peu répandu chez les chefs d’entreprise ; il avait une indépendance d’esprit et une maîtrise émotionnelle exceptionnelle ; il se souciait très peu de ce que les gens pensaient. Nous n’avons pas fini d’apprendre de lui. »
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Cette information a été préparée par Pascal Charpentier qui est un conseiller en placements et gestionnaire de portefeuille pour l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles du gestionnaire de portefeuille uniquement et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc. est membre du Fonds canadien de protection des épargnants et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.