À la lumière des résultats du 2e trimestre des compagnies, l’économie américaine est officiellement en récession, et le Canada semble s’enligner sur la même voie pour les prochains mois. Dans ce premier volet d’un dossier en trois parties, voici notre analyse du scénario de récession, du rapport sur l’emploi et de la vague de licenciements qui voit le jour aux États-Unis.
QUE RÉVÈLENT LES RÉSULTATS FINANCIERS DU 2E TRIMESTRE?
Au cours des dernières semaines, la plupart des résultats financiers du 2e trimestre ont été dévoilés. Ils sont en dents de scie. Bien que certaines compagnies s’en sortent très bien, notamment dans les matières premières et le pétrole, les résultats des compagnies ont été généralement plutôt mauvais : chiffres d’affaire décevants, profits à la baisse, marges réduites. Les deux coupables des mauvais résultats sont bien sûr l’inflation très élevée (coût de la marchandise, de l’essence, et désormais aussi des salaires…), facture qui peut rarement être refilée complètement aux clients, et, deuxièmement, la hausse des taux d’intérêts, dont on ne fait que commencer à voir les impacts sur les profits des compagnies. Pour plus de détails sur les résultats financiers et la santé du marché financier, je vous invite fortement à participer à mon prochain webinaire, où je ferai un survol du marché boursier par secteurs.
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SOMMES-NOUS EN RÉCESSION OU PAS?
Les résultats généralement négatifs des compagnies corroborent l’annonce faite en juillet qui confirme que l’économie américaine vient de reculer pour un deuxième trimestre consécutif, ce qui, officiellement, place les Américains dans une situation de récession. Pourtant, ce qui a été véhiculé par les politiciens et les autorités financières, c’est que « cette fois-ci », cela ne signifiait pas une récession. Nous assistons donc à un changement de définition de ce qu’est une récession, ce qui, à mon avis, est inquiétant. Comme l’a dit Doug Casey dans son dernier communiqué, en faisant un lien entre le roman de George Orwell 1984 et la situation actuelle: « Il est primordial que les mots soient définis et utilisés de façon précise. Si les définitions sont nébuleuses et peuvent être changées à la demande, la communication devient impossible. À partir du moment où on redéfinit « bleu » comme étant « rouge », « guerre » comme étant « paix », et « récession » comme étant « prospérité », on ne peut littéralement plus savoir de quoi on parle ».
COMMENT INTERPRÉTER LE FAMEUX RAPPORT SUR L’EMPLOI?
La raison évoquée pour redéfinir la situation économique actuelle est que le rapport sur l’emploi aux États-Unis a annoncé 500 000 nouveaux emplois créés dans le dernier mois (alors qu’une récession est censée être associée à un taux de chômage élevé). Pourtant, à y regarder de plus près, les chiffres d’emploi ne sont pas si glorieux qu’ils nous ont été présentés. Comme nous l’explique l’économiste Stephany Pomboy, le rapport sur l’emploi (le « Payroll Report ») ne donnent pas nécessairement le portrait juste de la situation. Par exemple, alors que le nombre d’emplois a augmenté aux États-Unis, le nombre de travailleurs, lui, a diminué. Comment expliquer cela? En fait, un plus grand nombre d’américains auraient pris un second emploi à temps partiel. Et peu importe le nombre d’heures travaillées, chaque emploi à temps partiel compte comme un emploi. De toutes les statistiques sur l’emploi que Madame Pomboy a analysées, les chiffres du « Payroll Report » étaient les seuls positifs.
Qu’en est-il au Canada? La croissance du PIB a fortement ralenti mais n’est pas encore en zone négative. Nous pourrions entrer en récession à retardement par rapport à nos voisins du sud, peut-être au début de l’année 2023, selon plusieurs économistes.
QUE SIGNIFIE LA NOUVELLE VAGUE DE LICENCIEMENTS?
De mon côté, à la lumière des résultats des compagnies que j’ai analysés, ce qui est frappant, c’est la quantité de compagnies qui ont licencié des employés au cours des derniers mois. On a qu’à penser à Amazon qui a remercié 100 000 employés au cours du dernier trimestre, à Tesla qui s’est départie de 10% de sa force de travail, à Ford qui a licencié 8 000 personnes, ou encore à REMAX qui a remercié 17% de ses employés, et ce ne sont que quelques exemples. C’est une façon efficace à court terme de couper dans les coûts pour mousser les bénéfices, mais qui trahit aussi une vision plutôt pessimiste de la compagnie sur sa capacité de croissance. Lorsque l’on voit des licenciements de masse de la sorte, c’est un indice important de récession, même si ici, au Québec, on a encore pour l’instant un marché de l’emploi très tendu.
À mon avis, il est clair qu’un vent de récession arrive non seulement aux États-Unis, mais un peu partout sur la planète, et nous n’en serons pas épargnés. Et malheureusement, ce n’est qu’un début parce que rien n’indique que la croissance sera au rendez-vous chez la plupart des compagnies pour ce 3e trimestre. En effet, les gouvernements et banques centrales sont actuellement engagés dans un plan d’attaque contre l’inflation (hausse des taux d’intérêt, réduction de la masse monétaire) qui fournit du gaz pour alimenter la récession. On dit qu’après une hausse importante des taux d’intérêt, le délai est d’environ un an avant que les impacts se manifestent dans les résultats des compagnies. Dans le cas présent, cela nous mène à septembre 2022 puisque même si le taux directeur n’a été haussé qu’au début de 2022, les taux d’intérêts sur le marché avaient déjà commencé à augmenter dès l’automne 2021. Ce sera donc dans les résultats des prochains trimestres que nous pourrons mesurer l’ampleur des dégâts à ce niveau.
Pour le gouvernement, l’important est de préserver la confiance de la population et de ce côté, on a bien réussi à adoucir la nouvelle de l’entrée en récession en faisant planer le doute sur ce qu’est vraiment une récession… Pour le moment, le rejet du revers de la main de l’hypothèse d’une récession a rassuré les investisseurs qui ont soutenu le marché financier en juillet. Toutefois, il n’y a rien de plus fragile que le marché boursier actuel, ce que l’on a pu constater vendredi dernier lorsque les marchés ont plongé suite au discours musclé de Jérôme Powell.
Dans la deuxième partie de ce billet, qui sera publiée plus tard cette semaine, je vais justement parler des taux d’intérêts et des obligations, de la capacité d’emprunt et du marché immobilier, ainsi que de l’inflation.
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