Atnaé Lussier

Le 12 décembre dernier, Egon von Greyerez a réuni à Zurich dans une même entrevue le spécialiste autrichien Ron Stoeferle et le stratégiste anglais Grant Williams. Les trois spécialistes ont échangé sur la situation actuelle de l’économie et de la finance. Pour ceux qui veulent en savoir plus, je vous invite à écouter l’intégralité de l’entrevue disponible sur Youtube (lien ici). Sinon, voici quelques propos frappants de Grant Williams tirés de l’entretien (traduction libre).

Selon Williams, les gens en finance ont déjà commencé à anticiper que la FED allait être obligée de faire un pivot sur sa politique monétaire afin de sauver le système. En effet, si le marché était vraiment convaincu que la FED allait aller jusqu’au bout dans son combat contre l’inflation, les marchés seraient actuellement beaucoup plus bas que ce qu’ils sont maintenant. Monsieur Williams rappelle que les taux sont passés de 0 à 4,50% dans un temps record et cela, dans une économie endettée comme jamais auparavant. Les pertes d’emploi et les faillites qui vont s’accumuler en conséquence de cette hausse phénoménale vont éventuellement mettre une pression énorme sur les banques centrales afin qu’elles rebaissent les taux et cela, même si le combat contre l’inflation n’est pas encore gagné.

Le gestionnaire britannique donne l’exemple récent de son pays pour illustrer comment le plan de resserrement des banques centrales peut s’effondrer plus rapidement qu’on ne le pense. En effet, les banquiers de Londres sont passés en 24 heures seulement d’un désir de resserrement monétaire convaincu à un programme de support quantitatif des marchés obligataires. Tout a déraillé quand les joueurs du marché ont perdu confiance dans la capacité de la classe politique à gérer la situation, suite à la décision de la première ministre de repartir un programme gouvernemental d’allègement fiscal nécessitant un déficit de quelques milliards. Ce fut la goutte qui a fait déborder le vase : les marchés obligataires anglais et la livre se sont effondrés, ce qui a créé un véritable chaos, forçant l’intervention de la Banque anglaise, et montrant le chemin de la sortie à la nouvelle première ministre. Ce qui est arrivé à l’Angleterre nous guette également en Amérique, assure Williams. Lorsqu’il y aura une problématique très grave, la FED sera forcée à pivoter également, ce qui mettra un éclairage nouveau sur la situation économique. Les investisseurs vont alors comprendre qu’ils sont investis dans des titres financiers trop chers, avec des ratios hors normes qui ne justifient pas d’y être investis tandis que la situation économique se détériore considérablement.

Après avoir connu 40 ans de baisse de taux d’intérêt, tout s’est inversé dramatiquement cette année. Et avec toutes les dettes mondiales actuelles, c’est tout simplement impossible que les taux continuent sur leur lancée sans que tout ne soit broyé dans l’économie. Avec des taux au niveau actuel, plus les mois vont passer, plus le poids des dettes va grossir, et plus les gens vont commencer à prendre conscience du danger de ces dettes. Conséquemment, davantage de gens vont chercher à s’en débarrasser, ce qui va mettre une pression à la hausse sur le taux des obligations. Devant cette perte de confiance et ces dangers, les banques centrales du monde vont paniquer et repartir la machine à imprimer afin de soutenir leur marché obligataire, comme les Anglais l’ont fait dernièrement. Et ce sont alors les devises qui vont s’écrouler.

Williams aborde une autre problématique de l’univers de la finance mondiale actuelle. Il s’agit du fait que la plupart des professionnels qui travaillent en finance ont une spécialité spécifique, mais ils sont dépourvus d’une vision du portrait global de la finance et de l’économie. Ce n’est pas parce que vous êtes un spécialiste en devises que vous savez nécessairement comment fonctionne le marché obligataire. Quant à celui qui investit principalement dans le Standard & Poor’s depuis 20, 30 ou 40 ans, tout ce qu’il a connu, ce sont des hausses et des remontées rapides après une correction. Pour ces professionnels, cela va toujours aller dans le même sens parce que dans leur monde, c’est ce qui est toujours arrivé. Pour Grant Williams, c’est une bénédiction de comprendre davantage les rouages économiques et monétaires actuels mondiaux car vous êtes ainsi en mesure de vous préparer davantage que ceux qui ne comprennent pas les enjeux actuels. L’envers de la médaille, c’est que vous vous retrouvez souvent seuls à vous inquiéter, la majorité des professionnels de la finance n’ayant même aucune idée de l’existence de ce qui vous préoccupe. Ils prendront conscience de la situation par surprise, un beau matin où tout éclatera. La gestion des risques n’a jamais été aussi négligée de la part des joueurs du marché qui, pour la plupart, surestiment leur capacité à gérer des avoirs car ils ont navigué dans un environnement clément où les taux ont baissé pendant 40 ans. Plusieurs passent pour des génies grâce à une magie qui a malheureusement fini par épuiser ses pouvoirs.

L’entrevue se termine par un questionnement sur les façons se protéger de la crise monétaire inévitable qui s’annonce. Les solutions sont hélas très limitées. Alors que les trois gestionnaires sont divisés sur l’avenir des cryptomonnaies, tous trois s’entendent sur le rôle des métaux précieux dans la crise qui s’en vient. Monsieur Williams nous fait remarquer que de nombreuses banques centrales de la planète, surtout dans les marchés émergents, achètent actuellement massivement de l’or et la situation monétaire mondiale est en train de changer à un rythme dramatique. Le retour de l’or n’est pas de bon augure pour les puissances occidentales qui ont l’habitude de fonctionner avec le dollar comme étalon de référence. Pour Williams, cela annonce la fin d’un système monétaire unique qui a permis à l’Occident de dominer.

De plus en plus de gens sur la planète comprennent ces enjeux et accumulent présentement des quantités importantes d’or et d’argent. Monsieur Stoeferle fait une observation judicieuse : Dans les pays aux prises avec une dévaluation monétaire importante, en Turquie par exemple, la population a développé rapidement une connaissance approfondie de la valeur des pièces en métaux précieux, à la différence des populations occidentales. La raison pour laquelle les Turcs se sont intéressés aux métaux précieux, c’est que l’or et l’argent ont su démontrer leur utilité en temps de crise monétaire. En effet, lorsque les gens ont vu qu’un de leurs voisins qui en possédait s’en sortait mieux qu’eux, ils ont cherché à s’en procurer également. Les occidentaux devraient s’intéresser davantage à ce qui se passe ailleurs, car il s’agit d’un beau laboratoire de ce que l’on pourrait vivre nous aussi dans un avenir proche.


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