Plusieurs fois sacré meilleur prévisionniste financier, François Trahan n’a plus de preuves à faire dans le milieu. Il a longtemps travaillé comme stratège à Wall Street pour les plus grandes banques. Il dirige maintenant sa propre firme de conseil à l’attention des gestionnaires de portefeuille institutionnels.
Pour une deuxième fois en 2023, il a été l’invité de Stéphan Bureau dans son émission « Contact ».
Si vous souhaitez écouter cette nouvelle entrevue, voici le lien. Toutefois, pour ceux qui préfère le format écrit, voici notre résumé de la rencontre.
Hausses des taux = récession
Comme il l’avait fait au printemps, François Trahan débute l’entrevue en nous rappelant une grande règle économique: le creux de l’économie arrive environ 2 ans après le sommet des taux d’intérêt. Dans l’hypothèse qu’on ait atteint ce sommet lorsque les taux obligataires 10 ans ont frôlé le 5% récemment, cela projette le pire de la récession à la fin de l’automne 2025. La pression économique, elle, commencera à se faire sentir dès maintenant, soit 2 ans après le début des hausses d’intérêt (le taux directeur ayant été haussé pour la 1e fois en février 2022)
Dans cette entrevue, François Trahan nous invite à utiliser les indicateurs économiques pour prédire l’évolution des choses. L’immobilier, indicateur précurseur, subit déjà les soubresauts des hausses d’intérêt. En 2024, on devrait voir le chômage, indicateur retardataire, augmenter significativement, et les bénéfices des compagnies sérieusement atteints. Cela entraînera à la baisse le marché financier. Celui-ci devrait atteindre son plus bas niveau environ 6 mois avant le creux économique, soit aux alentours du printemps 2025.
Selon lui, les récessions auxquelles nous avons été habitués jusqu’à maintenant reflétaient le scénario habituel de la politique monétaire, c’est-à-dire une hausse lente et progressive des taux. Ce sont des récessions qui tendent à arriver progressivement et à être relativement courtes. « Cette fois, ce sera différent », prévient Trahan. La hausse extrêmement rapide et agressive des taux génèrera une récession subite et sévère, peut-être plus longue aussi. « Du jour au lendemain, il n’y aura plus de plancher », alerte l’économiste. Il envisage même que ce que nous vivrons dans les deux prochaines années risque d’être le « plus gros événement économique » de toute sa carrière.
Psychologie financière
Pourquoi alors n’en entendons-nous pas plus parler? À cette question, Trahan répond qu’il est parfaitement normal qu’à la fin d’une séquence de hausses d’intérêt, l’économie se porte à son mieux. C’est justement la raison des hausses! Ce phénomène, tout à fait normal, trompe les investisseurs, qui se convainquent que « cette fois-ci », on semble bien s’en sortir. L’optimisme perdure alors indûment, et ce, même chez les professionnels! Cela s’explique par le fait que 50% d’entre eux n’étaient pas dans l’industrie lors de la dernière hausse importante des taux de 2004 à 2006. Rappelons que le sentiment des investisseurs est un indicateur retardé du cycle économique. Donc, quand l’euphorie arrive, ce serait en réalité le temps de quitter le navire.
François Trahan se montre très critique à propos de la formation des économistes, qui apprennent à analyser le passé plutôt qu’à prédire l’avenir. Il déplore que l’économétrie, branche de l’économie qui a objectif d’estimer et de tester les modèles économiques à l’aide de l’analyse quantitative, soit si peu enseignée dans les programmes d’économie. La formation d’analyste financier, elle non plus, ne donne pas à la macroéconomie l’importance grandissante qu’elle occupe dans un monde où les horizons de placement sont de plus en plus courts et où la croissance économique est plus faible qu’avant. Trahan ajoute que la psychologie comportementale devrait occuper également une place plus importante dans ces programmes de formation. « Aux moments les plus importants du cycle, ces connaissances deviennent cruciales », conclue-t-il.
À propos de psychologie financière, François Trahan observe que lorsque les bénéfices sont à la hausse, les investisseurs ne pensent qu’aux opportunités. À l’inverse, lorsque les bénéfices sont à la baisse, ils deviennent obsédés par les problèmes structurels. Pensons à la démographie ou l’endettement. Lors d’un ralentissement économique, ces problématiques sont exposées au grand jour.
Le chômage: un élément clef
L’économiste prévoit qu’en 2024, l’attention du gouvernement et des banques centrales se déplacera vers la problématique du chômage. Trahan considère le chômage comme l’élément déclencheur qui fait tourner le sentiment des investisseurs de l’optimisme à l’inquiétude. C’est à ce moment que les habitudes de consommation se mettent vraiment à changer, pas seulement pour les personnes touchées par le chômage, mais par l’ensemble de la population. Tout le monde devient beaucoup plus prudent à ce stade du cycle.
On tentera alors, peut-être dès le printemps, de stimuler à nouveau l’économie pour s’attaquer à ce problème. C’est le réflexe gouvernemental habituel devant un chômage haussier. Or, est-ce que ce sera seulement possible cette fois-ci? se questionne François Trahan. Le stratège insiste sur le fait que notre capacité à répondre à un ralentissement économique n’est plus ce qu’elle a été dans le passé étant donné notre niveau d’endettement. En fait, on vivra peut-être le premier ralentissement économique de l’histoire où le gouvernement n’aura pas la capacité d’intervenir. Et que ce soient les États-Unis, le Canada, l’Europe, le Royaume Uni, le Japon ou la Chine, nous sommes tous dans le même bateau. Nous vivons des enjeux économiques et financiers communs, interreliés et synchronisés, qui pointent vers un même scénario : une récession sévère généralisée avec aucune marge de manœuvre pour y faire face.
La dette a grugé notre marge de manoeuvre
Cette marge de manœuvre, elle dépend directement de la santé financière du gouvernement. À l’heure actuelle, pour la première fois de l’histoire, les charges d’intérêt de la dette américaine dépassent le budget de la défense! Le niveau d’endettement du gouvernement américain dépasse son PIB, une situation que Trahan juge « très dangereuse ». Tenant compte du fait que lors d’une récession, le déficit budgétaire gouvernemental explose, il trouve « terrifiant » d’entrer dans une récession avec un tel niveau d’endettement et un niveau de déficit qui atteint désormais 7%! Dans deux ans, ce niveau pourrait facilement atteindre 10%, toujours selon l’économiste. Ce dernier lance l’alerte : « Tôt ou tard, il va falloir adresser le problème ». Malheureusement, ajoute-t-il, c’est la prochaine génération qui va payer pour la mauvaise gestion actuelle.
Le danger, selon lui, c’est qu’on en vienne au moment où les agences de crédit dicteront le budget gouvernemental. Les décotes risquent en effet de se multiplier au cours de la récession. Cela menace de mettre la corde au cou aux emprunteurs, dont nos gouvernements occupent le haut du pavé. Comme le dit Trahan, « l’endettement, personne ne s’en préoccupe jusqu’au jour où soudainement, ça devient une obsession ».
Inflation ou déflation?
En ce qui a trait à l’inflation, François Trahan considère que l’ampleur de l’événement économique que l’on s’apprête à vivre découle directement du fait que Jerome Powell ait attendu un an et un haut de 40 ans d’inflation pour commencer à hausser les taux, ce qui révolte l’économiste. « L’inflation n’est rien d’autre qu’une taxe progressive sur le consommateur, dit-il, et ce sont les gens à faible revenu qui en souffrent le plus. Il y a des conséquences sociales énormes à ça! » Questionné sur le cas du Japon, Trahan réitère le fait que là aussi, c’est la monnaie qui sert de processus d’ajustement. Les Japonais perdent progressivement leur pouvoir d’achat.
Le stratège n’écarte pas la possibilité d’une période de forte inflation pour la prochaine décennie. Cependant, il pense que la récession profonde des deux prochaines années entraînera plutôt une déflation à court terme. En effet, le ralentissement économique provoquera une baisse de la demande pour le pétrole. Ce dernier subit des fluctuations tellement énormes qu’il constitue une variable déterminante pour l’indice d’inflation américain.
Liberté d’expression en finance
Pour conclure, Trahan considère que depuis qu’il travaille à son compte, il a désormais une grande liberté de dire ce qu’il pense. Il voit cela comme un privilège rare dans le milieu. En effet, ce qui est communiqué est trop souvent surveillé et régimenté par des instances supérieures. Il témoigne que lorsque l’on travaille à Wall Street, il faut faire certains accomodements avec sa conscience. On lui a souvent dit, par exemple : « Écoute, on n’aime pas ton analyse, pourrais-tu regarder tes chiffres à nouveau? » Se qualifiant de « tête dûre », il a préféré refuser certaines opportunités de Wall Street pour privilégier son indépendance.
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