Olivier Langlois St-Laurent
Exubérance irrationnelle

Le 5 décembre 1996, le président de la Fed, Alan Greenspan, a suggéré que les prix des actions pourraient être trop élevés, risquant ainsi une correction qui pourrait entraîner une retombée économique. Il s’est demandé à voix haute si le marché n’avait pas atteint un état d’« exubérance irrationnelle ».

Au cours des derniers mois, nous avons vu le même terme, “exubérance irrationnelle”, utilisé pour décrire l’état actuel du marché boursier. Pour avoir une perspective sur l’avenir, comparons l’environnement du marché qui a incité les commentaires de Greenspan à celui d’aujourd’hui.

Exubérance irrationnelle

Voici une transcription de l’allocution de Alan Greenspan en décembre 1996 (lien du discours) :

exubérance irrationnelle

En d’autres mots, Greenspan s’inquiétait des valorisations élevées des actions. Il ne voulait pas être « complaisant face à la complexité des interactions entre les marchés d’actifs et l’économie » et était conscient qu’une correction des prix des actions pourrait nuire à l’économie.

Reprise économique et euphorie autour du web

Examinons quelques graphiques pour mieux comprendre le point de vue de Greenspan.

En seulement deux ans, entre 1994 et le jour où Greenspan a prononcé le terme d’exubérance irrationnelle, le S&P 500 avait augmenté de près de 60 %. De plus, depuis le creux de la récession de 1990 jusqu’à son discours, le S&P avait grimpé de près de 250 %!

exubérance irrationnelle

La reprise économique de la récession de 1990 a lancé le marché haussier. Ce qui a encore alimenté cette montée, ce sont des projections fabuleuses sur la façon dont le World Wide Web naissant, les ordinateurs et les pouvoirs de la technologie moderne entraîneraient des profits d’entreprise démesurés et une croissance économique. Cela vous semble familier ?

Avec de telles projections ambitieuses est venue une immense spéculation. Les investisseurs étaient prêts à payer plus cher pour les ventes et les bénéfices des entreprises en raison de perspectives de croissance plus élevées. En d’autres termes, les valorisations ont augmenté.

Le graphique ci-dessous montre que la valorisation du CAPE10 de Shiller se situait à des niveaux jamais vus depuis 1929 et était légèrement supérieure à ceux atteints au sommet de la bulle Nifty Fifty. Pour ceux qui ne sont pas familier avec cette mesure, il s’agit de diviser la capitalisation boursière par la moyenne du résultat net sur 10 ans, ajusté avec l’inflation.

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Greenspan était-il visionnaire ?

Greenspan avait de bonnes raisons de s’inquiéter du prix des actions et des valorisations se situant près du sommet des deux derniers booms boursiers. Son avertissement a causé un ralentissement du marché pendant quelques semaines avant que celui-ci ne continue sa montée. Entre le 5 décembre 1996 et le sommet du marché haussier trois ans plus tard, en 2000, le S&P a plus que doublé, et ses valorisations ont largement dépassé les niveaux élevés de 1996.

Gardez à l’esprit que, malgré l’inquiétude de Greenspan concernant les conditions du marché, il a tout de même réduit les taux de 75 points de base à la fin de 1998 en raison des préoccupations liées à la faillite du fonds spéculatif Long Term Capital Management. Résultat: cette stimulation a participé à accélérer encore la hausse du marché, jusqu’à son apogée en août 2000.

On connaît la suite de l’histoire. Du sommet du marché en août 2000 à son point bas en 2003, le S&P 500 a effacé une grande partie des gains obtenus après la période d’« exubérance irrationnelle ». Ces sommets ne seraient ensuite plus revus avant 2013!

L’exubérance actuelle

La performance récente du S&P 500 ressemble à celle de la fin des années 1990. De même, les métriques de valorisation actuelles sont au niveau ou au-dessus de ceux que Greenspan redoutait en 1996.

Le récit actuel sur l’IA reflète l’enthousiasme suscité par les prévisions sur Internet et la technologie à la fin des années 1990. Les investisseurs sont convaincus que l’IA rendra l’économie beaucoup plus productive. Ainsi, les bénéfices des entreprises exploseront et l’économie prospérera. On nous dit donc que les entreprises au cœur de l’IA, telles que Nvidia, Google et Microsoft, connaîtront une croissance qui éclipsera largement les moyennes du marché.

Une amère déception à l’horizon?

Bien que le récit sur l’IA semble excellent, la réalité et les récits sont souvent assez différents. L’histoire du web en dit long à ce sujet. En effet, malgré le boom d’Internet et de la technologie de la fin des années 1990 et au-delà, le taux de croissance économique et le taux de croissance des bénéfices des entreprises n’a pas augmenté. En fait, comme le montre ci-dessous, l’économie avait connu un taux de croissance moyen d’environ 3 % de 1975 à 1999 (ligne pointillée verte). Par la suite, le taux de croissance moyen a davantage approché le 2 % (ligne pointillée bleue).

La croissance des bénéfices des entreprises ont suivi un chemin similaire malgré les avantages d’Internet.

Le marché pourrait vraisemblablement corriger de manière significative, et les valorisations se normaliseront. Cette fois-ci n’est pas différente.

Cependant, on ne peut connaître le timing d’une correction. Monsieur le Marché se moque de ce que vous, nous ou le président de la Fed pensons des valorisations et des prix. Le marché est plus grand que nous tous et peut avoir sa propre logique. Les valorisations élevées, même si elles sont déjà en territoire record, peuvent continuer à augmenter.

« Le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable. » – John Maynard Keynes

Traduction libre provenant de RIA Advice


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