Pascal Charpentier

L’impression massive de nouveaux dollars dans la dernière année a mis la table pour une possible montée inflationniste spectaculaire qui pourrait faire perdre beaucoup de valeur à notre monnaie. Dans un tel scénario, où se trouveraient les valeurs refuge? De tout temps, les métaux précieux ont joué ce rôle dans les périodes de crise. Nous vous emmenons donc à la découverte de cet univers fascinant, dans lequel l’argent métal pourrait bientôt jouer un rôle principal.

Notre recherche sur l’argent nous a menés à de nombreux éléments d’information que nous n’avons pas pu tous intégrer à cette bande-dessinée. Pour ceux que ça intéresse, en voici quelques-uns, en vrac :

L’once utilisée pour l’or et l’argent est l’once de Troie. Cette once est plus lourde de 10% que l’once alimentaire. Troie est une ville de Champagne qui avait une foire importante au Moyen-Âge. Le roi d’Angleterre Henri II s’est inspiré des mesures de ce marché afin d’instaurer les mesures anglaises. 

À l’exception de quelques épisodes, pendant plus de 2000 ans, jusqu’au début du 19e siècle, le denier d’argent (3,9 grammes) servait à payer la solde journalière d’un ouvrier ou d’un soldat. Comme une once de Troie pèse 31,10 grammes, et vaut aujourd’hui 35$, le denier d’argent vaudrait aujourd’hui 4,38$. Ce calcul confirme que la valeur de l’argent n’a pas suivi du tout l’évolution de l’inflation. 

Dioclétien, empereur romain de 284 à 305 de notre ère, a eu l’idée désastreuse de réformer la monnaie, en créant de nouvelles pièces dans lesquelles on avait ajouté des métaux de moindre qualité afin de pouvoir augmenter considérablement la masse monétaire en circulation. Cette augmentation déclencha avec le temps une inflation incontrôlable et, malgré la tentative de l’empereur de fixer les prix, les gens exigèrent toujours de plus en plus de ces nouvelles pièces pour être payés, jusqu’à ce que finalement, plus personne ne les accepte. Cette crise financière força l’empereur à abdiquer en l’an 305.     

Au début du dollar papier, aux États-Unis, à la fin du 19e siècle, les gens pouvaient aller à n’importe quelle banque et demander de transformer leurs billets papier en or sonnant, système qui a perduré jusqu’au crash de 1929. En effet, dans les trois années qui ont suivi la débandade, les Américains se sont rués dans les banques pour demander de convertir leur argent en or. Devant la pénurie de métaux précieux, le président Roosevelt a été forcé, en janvier 1934, d’interdire aux Américains la possession d’or, sous peine d’emprisonnement de 10 ans. Tous les Américains ont eu 1 mois pour ramener l’or qu’ils détenaient aux banques en échange d’argent papier. Cette interdiction a été levée seulement en 1974 par le président Gerald Ford. 

Le prix de l’or a été fixé par le gouvernement à 35$ l’once, de 1934 à 1971. Lorsque les Américains ont pu librement recommencer à acheter de l’or dans les années 70, les prix sont partis de 35$ et ont monté, dans les années 80, jusqu’à 1000$ (et 50$ pour l’argent), avant de retomber quelques années plus tard. 

Depuis que nous avons laissé tomber les métaux précieux au milieu du XXe siècle comme étalon de devises, l’inflation a explosé, mais le prix de l’or et de l’argent n’a pas suivi. Est-ce justifié?

Comme cela me l’a été si bien expliqué par Réjean, un spécialiste en forage minier, « l’argent est un résidu de mines, c’est-à-dire qu’il existe très peu de mines d’argent et que la majorité du minerai provient d’autres mines : or, cuivre, zinc, plomb. Le ¾ de tout l’argent qui est produit sur Terre provient de mines dont la principale production n’est pas l’argent ». 

Encore expliqué par Réjean, « l’argent est un métal non élastique », ce qui veut dire que même si les prix du métal montaient en flèche, il ne serait pas possible d’augmenter rapidement les quantités de métal minées. C’est d’autant plus vrai que le temps nécessaire pour créer et mettre en fonction une nouvelle mine est d’environ 10 ans.

Comment se procurer de l’argent? Vous pouvez l’acheter physiquement et vous occuper vous-mêmes de lui trouver un entreposage sécuritaire. Vous pouvez aussi acheter des indices boursiers qui gardent pour vous le précieux métal. Selon nos recherches, le seul fonds qui garantit de détenir toutes les quantités vendues est le fonds canadien Sprott Physical Silver Trust, qui garde ses réserves à la Monnaie Royale Canadienne.

Information importante à savoir : le métal physique se transige actuellement à des prix supérieurs (25 à 30%) au prix de l’argent à la bourse, une anomalie qui reflète l’incohérence autour de la valeur accordée à l’argent.

La consommation annuelle d’argent (1 milliard d’onces) serait actuellement d’environ 25% supérieure à la production actuelle (800 millions d’once). De plus, plusieurs compagnies qui utilisent l’argent dans la production d’appareils électroniques refusent de divulguer leur consommation d’argent. Ce phénomène contribuerait à expliquer pourquoi les réserves d’argent diminuent par rapport aux réserves d’or, sur la planète.

Plusieurs se demandent maintenant : pourquoi le prix de l’argent reste-t-il si bas? En fouillant un peu plus, nous avons découvert plusieurs théories. L’une d’entre elles serait la manipulation du marché de l’argent par des acteurs financiers aux poches profondes. Le prix de l’argent sur le marché est déterminé par le marché des contrats « futures ». Comme c’est souvent le cas sur ce marché, la grande majorité de ces contrats ne toucheront jamais d’argent physique et il y a beaucoup de spéculation qui entre en jeu. Le problème vient de l’écart phénoménal entre la matière première (l’argent) et les contrats : le marché physique de l’argent était estimé à 20 milliards de dollars en 2014 alors que, durant cette période, Bloomberg estimait le marché des contrats à environ 5 000 milliards de dollars! Ceci nous donne un ratio « contrats » versus « physique » de 250 pour 1, et cet écart pourrait s’être encore amplifié depuis. Avec cet important levier, plusieurs font l’hypothèse que plusieurs grandes banques exercent une pression significative sur le prix de l’argent, venant fausser le principe d’offre et de demande[1]. C’est ce qui expliquerait que les prix actuels ne reflètent pas la réalité quant à la demande d’argent.

En 2008, Bear Stearns était reconnu pour son énorme position à découvert sur le marché « futures » de l’argent. Lorsque la compagnie s’est retrouvée devant la faillite, c’est JP Morgan qui a pris les rênes et en même temps la grosse position « short ». Par la suite, à partir de 2013, JP Morgan a commencé à accumuler massivement de l’argent physique. Leur position est maintenant estimée à plus de 700 millions d’onces d’argent, ce qui en fait le plus grand joueur sur le marché de l’argent sans équivoque. C’est presque la production totale annuelle. Il est normal de se demander si JP Morgan aurait pu manipuler le prix de l’argent à la baisse afin d’accumuler d’énormes quantités du précieux métal. En manipulant le marché, ils auraient enfreint plusieurs lois. Une petite recherche rapide fait ressortir plusieurs articles mentionnant de très grosses pénalités infligées à la banque pour manipulation des métaux précieux. 


[1] Selon le CFTC, seulement les 4 plus gros joueurs détiennent à eux-seuls 35,6% des positions à découvert sur l’argent, et les 8 plus gros en détiennent 46,5% (CFTC.org, 2 mars 2021).

Deux petites anecdotes pour terminer :

Si notre mot « argent » vient assez évidemment du métal gris, le mot « dollar » vient quant à lui du mot « Thaler », nom d’une vallée où on fabriquait les pièces d’argent en Tchécoslovaquie et où se trouvait une mine d’argent importante. 

Les petites rainures sur le côté des pièces de monnaie tirent leur origine du coût d’entrée dans les amphithéâtres romains, qui consistait en une rainure dans une pièce d’argent. Un employé de l’état était posté à l’entrée avec un couteau pour entailler les pièces de monnaie et récolter un petit éclat d’argent pour chaque visiteur.


N’hésitez pas à communiquer avec nous pour découvrir notre offre en placement. Il nous fera plaisir de vous aider à saisir des opportunités sur les marchés financiers.

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Cette information a été préparée par Pascal Charpentier qui est un conseiller en placements et gestionnaire de portefeuille pour iA Gestion privée de patrimoine inc. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles du gestionnaire de portefeuille uniquement et ne reflètent pas nécessairement celles de iA Gestion privée de patrimoine inc. iA Gestion privée de patrimoine inc. est membre du Fonds canadien de protection des épargnants et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.


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Illustrations par Frédéric Nony