Pascal Charpentier

Le Japon est le pays qui a le plus de dettes nationales au monde. On parle de 266% de son PIB! Voici en comparaison la situation des autres grandes puissances mondiales, après quoi je vous démontrerai en quoi la situation japonaise pourrait avoir des conséquences désastreuses pour nous et les autres pays occidentaux :

D’abord, un peu de mise en contexte. En 1991, le ratio de la dette nationale japonaise par rapport à son PIB n’était que de 39%! Que s’est-il passé? Suite au méga crash boursier et économique de 1989 au Japon, le pays a dû emprunter massivement pour tenter de relancer l’économie. Et pour éviter la hausse d’intérêt qui en aurait découlé, la Banque du Japon a initié rapidement une stratégie méconnue jusqu’alors : le Quantitative Easing (QE : achat des obligations nationales par la Banque elle-même), stratégie qui devait être temporaire mais qu’elle n’a jamais réussi à stopper depuis. En effet, le Japon est en dépression économique depuis, problème accentué par un déclin démographique important et le vieillissement de la population japonaise. Le pays a donc multiplié les déficits, et plus le niveau d’endettement national a augmenté, et plus il a été nécessaire de maintenir des taux d’intérêt très bas afin d’assurer la solvabilité du gouvernement. Ainsi, la banque du Japon est obligée d’acheter de plus en plus d’obligations nationales.

Aujourd’hui, 60% de la dette est détenue par la Banque du Japon, et le tiers est détenu par des investisseurs institutionnels japonais (fonds de pension, banques, fonds de placement). Il n’y aurait qu’entre 6 et 8% de la dette qui serait détenue par des étrangers. Ce phénomène a permis jusqu’à maintenant à la Banque du Japon d’exercer un contrôle total sur le marché des obligations japonaises. L’autre élément qui fait que cette politique a pu tenir le coup aussi longtemps, c’est la force industrielle du Japon, qui a placé jusqu’à maintenant le pays dans une situation permanente de balance commerciale positive, dégageant ainsi des surplus de capitaux et préservant par le fait même la force du yen -jusqu’à tout récemment-, malgré d’impression continuelle de nouveaux billets.

Depuis le début, les économistes et politiciens du monde entier observent et analysent l’expérience japonaise, unique sur Terre, et certains ont pu conclure avec le temps que cette stratégie monétaire n’était pas une si mauvaise idée, puisque depuis 2008 et surtout avec la crise du Covid 19, la majorité des pays occidentaux ont eux aussi eu recours massivement au Quantitative Easing, et les niveaux d’endettement nationaux ont explosé. L’endettement du Japon étant toujours en tête de file, cela crée un effet rassurant pour les autres… Le dénouement de la politique monétaire japonaise sera donc très intéressant à observer, puisqu’on a tous un peu copié la recette japonaise. Malheureusement, l’insoutenabilité de la stratégie semble maintenant devenir une évidence et plusieurs éléments semblent annoncer son écroulement.

Selon Jim Grant, spécialiste des marchés des dettes et qui publie depuis 1983 sa célèbre lettre Grant’s Interest Rate Observer, le Japon serait le plus grand risque financier en ce moment sur les marchés mondiaux. En effet, les taux exigés du marché obligataire japonais ont commencé à monter dernièrement, révélant des signes de l’incapacité de la Banque à soutenir sa politique de contrôle. Bien que le Gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, ait cherché à rassurer tout le monde lorsque cela s’est produit, on devine que les outils à sa disposition ne sont peut-être plus suffisants pour stabiliser les taux. Grant utilise une image forte : Le marché des obligations japonaises se comporte comme un chien sur l’adrénaline qui est rendu au bout de sa corde tendue, qui est elle-même sur le point de céder. Selon Grant, le Japon est aussi aux prises avec une inflation forte et le maintien des taux bas est tout simplement impossible dans un tel contexte. De plus, avec les taux d’intérêt qui montent partout ailleurs, les capitaux japonais sortent du pays afin d’avoir accès à de meilleurs rendements, ce qui a contribué à faire plonger la devise japonaise et a mis encore plus de pression sur la hausse du coût de la vie. 

En contrepartie, si la Banque du Japon laisse aller les taux à la hausse afin d’une part de freiner l’inflation, et d’autre part de garder les capitaux sur l’île et stopper la saignée de la devise, les problèmes de dettes, eux, vont émerger et avoir des conséquences fatales pour le Japon qui est, rappelons-le, le pays le plus endetté au monde. On pourrait alors assister à quelque chose comme ce qui est arrivé en Angleterre l’automne dernier, où les fonds de pension sont passés à deux doigts de la faillite suite à la hausse des taux.

Grant poursuit en rappelant que paradoxalement, le Japon est aussi un des plus grands créditeurs des États-Unis et de l’Europe -les investissements japonais à l’étranger atteignant 3 trilliards-. Si les capitaux japonais se mettaient à rentrer au pays subitement, ce serait un choc pour tout le système financier mondial.  Les raisons qui rendent un tel scénario très plausible sont nombreuses car en tant que pays manufacturier, le Japon se retrouve actuellement dans une situation de grande vulnérabilité: l’inflation augmente le coût des matières premières, la hausse des taux d’intérêts augmente les charges d’intérêts et la récession s’installe dans les pays consommateurs des bien japonais, faisant chuter les ventes.

Pour Grant, la politique monétaire japonaise ressemble au mur de Berlin de la guerre froide. Tôt ou tard, elle s’effondrera. En tant que 3e économie mondiale et grand créditeur de l’Occident, un tel effondrement créerait un choc de confiance mondial envers les méthodologies adoptées par nos banques centrales partout dans le monde, et créerait sans nul doute une panique immédiate quant au risque relié à notre propre niveau d’endettement.


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Cette information a été préparée par Pascal Charpentier qui est un gestionnaire de portefeuille et conseiller en placements pour iA Gestion privée de patrimoine inc. et ne reflète pas nécessairement l’opinion de iA Gestion privée de patrimoine inc. L’information contenue dans le présent bulletin provient de sources jugées fiables, mais nous ne pouvons pas garantir son exactitude ni sa fiabilité. Les opinions exprimées sont fondées sur une analyse et une interprétation remontant à la date de publication et peuvent changer sans préavis. De plus, elles ne constituent ni une offre ni une sollicitation d’achat ou de vente des titres mentionnés. L’information contenue dans le présent document peut ne pas s’appliquer à tous les types d’investisseurs. Le conseiller en placements ne peut ouvrir des comptes que dans les provinces où il est inscrit.

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