On ne voit pas tous les jours une progression aussi spectaculaire sur un métal. C’est pourtant ce qui a eu lieu dans les dernières semaines au métal uranium qui fait partie de nos portefeuilles. Comment expliquer une explosion aussi rapide? On ne considère pourtant pas l’été comme une période forte pour les métaux. Normalement, les prix bougent peu car la demande est faible. Or cette fois-ci, la faible demande estivale n’a pas empêché les prix de s’emballer.
Les prix s’enflamment malgré une demande faible
Afin de vous donner une idée mesurée du volume de transaction sur l’uranium, une grosse journée de transactions sur les marchés de l’uranium peut représenter des échanges de 1 million de livres de métal. La semaine dernière, le métal a fait des bonds de 4% par jour avec seulement 100 000 livres de transactions journalières! Depuis juillet, le prix de l’uranium s’est apprécié de plus de 50%. Cela a de quoi réveiller de nombreux investisseurs attirés par l’appât du gain. L’explosion des prix avec si peu de transactions démontre qu’il y a définitivement un problème de réserves.
Le fonds Sprott Uranium (U.UN)
La création du fonds de réserve métallique de Sprott uranium il y a deux ans a retiré des marchés une énorme réserve de près de 30 milles tonnes de métal. À titre de comparaison, le marché de l’uranium représente actuellement une production d’environ 50 milles tonnes par année (Word Nuclear Association). Les réserves de Sprott ne fournissent plus l’industrie. Elles sont simplement stockées pour les investisseurs du fonds. L’équilibre déjà vacillant entre la production et la consommation risque d’être encore plus perturbé puisque d’autres sociétés d’investissement ont décidé de copier Sprott en créant des fiducies de réserves de métal dans un avenir proche. Donc, rien pour aider à augmenter les réserves!
Sprott a définitivement changé la dynamique sur le marché de l’uranium car auparavant, seuls les utilisateurs achetaient le métal. Mais depuis l’inauguration du fonds de Sprott, les investisseurs peuvent acheter les réserves. De plus, Sprott a demandé à pouvoir permettre aux utilisateurs certifiés de prendre livraison du métal lorsqu’ils achètent des parts de la fiducie. Cette modification devrait amener vers le fonds beaucoup d’utilisateurs industriels d’uranium dans le but de pouvoir mettre la main sur l’importante réserve de la compagnie.
Les réserves sont à sec
Selon l’analyste Justin Huhn, de la compagnie Uranium Insider, le déficit d’uranium pour les cinq prochaines années pourrait atteindre 90 000 tonnes. Il s’agit presque du double de la production annuelle actuelle. De plus, la production continue de décroître à chaque année par rapport à la demande, comme l’indique le tableau suivant. Le spécialiste ne sait tout simplement pas où les producteurs d’électricité vont trouver les réserves de métal. Ce n’est pas que le métal n’existe plus, mais il est sous la terre… Et depuis deux décennies, on n’a plus vraiment investi dans ce domaine.
En fait, c’est le cas de l’ensemble de l’industrie minière. Saviez-vous que cela prend en moyenne 23 ans pour rendre opérationnel un projet minier? Ce n’est pas demain qu’on va pouvoir augmenter l’offre… De plus, si la Russie décidait d’arrêter d’approvisionner le front occidental, tout comme elle l’a fait la semaine dernière pour le pétrole, l’équilibre des ressources mondiales sur plusieurs matières deviendrait encore plus précaire. Comme on le voit dans le tableau, le Kazakhstan et la Russie, représentent ensemble 48% de la production.
Et ce n’est que le début…
Déjà il y a un an, lorsqu’on a annoncé le blocus contre la Russie, le marché de l’uranium avait attiré l’attention en tant que ressource de remplacement du gaz russe. Nous écrivions à l’époque: “Il est fort probable que l’on assiste alors à une surenchère qui pourrait être spectaculaire” (lire Uranium). Finalement, le gaz russe et les autres productions russes ont pu continuer à s’écouler en Europe via l’Inde et ainsi contourner le blocus. Mais l’uranium était désormais sorti de l’ombre…
Le réveil brutal des dernières semaines dans l’uranium risque de créer chez plusieurs investisseurs un puissant effet d’entraînement. Ces derniers voudront mettre la main sur les réserves d’uranium. De plus, l’attention portée à la situation de l’uranium pourrait aussi mettre en lumière les pénuries existantes sur plusieurs autres métaux, notamment l’argent, le platine ou le palladium. On a vu cette semaine que le prix d’un métal peut exploser malgré un contexte de faible demande. Qu’arrivera-t-il lorsque la demande augmentera, avec la saison hivernale qui débute d’une part, et l’intérêt des investisseurs qui augmente d’autre part? Combien les investisseurs seront-ils prêts à payer pour détenir les réserves restantes de certains métaux?
Pour conclure, malgré la hausse spectaculaire des dernières semaines, on est encore probablement au début de cette explosion dans le secteur des ressources métalliques.
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