Est-ce normal que les obligations 10 ans américaines paient actuellement plus de rendement que les obligations grecques de 10 ans? C’est complètement loufoque! Qui aurait pu imaginer une telle chose il y a seulement quelques années, alors que la Grèce était au bord de la faillite et avait vu ses taux de rendement exigés sur sa dette exploser au ciel? En 2011, tout le monde s’attendait à la faillite du gouvernement grec. Puis, devant la peur de la contagion en Europe, Mario Draghi, de la banque centrale européenne, est venu à la rescousse de la Grèce (et de l’Italie, et de l’Irlande, et de l’Espagne…). Comment? La BCE a tout simplement racheté la dette gouvernementale de ces pays. Cela a ramené les taux obligataires dans la norme, mais au coût d’une considérable impression de nouveaux euros.
L’impression d’argent: une solution miracle?
À partir de la crise de 2008, toute la planète a adopté cette mécanique. Lorsque les taux s’emballent, les banques centrales interviennent en rachetant les obligations pour forcer les taux à revenir à des niveaux acceptables. En effet, sans intervention des banques centrales pour ramasser les surplus d’obligations dont personne ne veut, les taux montent.
C’est ce qui semble arriver aux États-Unis depuis le début de l’année 2022, moment où la FED a cessé son programme de rachat d’obligations. Les taux montent beaucoup trop pour ce que notre système hyper-endetté est capable d’absorber. Avec une telle dette gouvernementale, la quantité faramineuse d’obligations gouvernementales sur le marché exige une quantité d’acheteurs tout aussi phénoménale. Sans la FED comme acheteur de dernier recours, on fait face à un grave problème sur le marché obligataire américain : il est en panne d’acheteurs.
L’offre dépasse la demande
Il faut dire que les Américains détiennent la plus grosse dette gouvernementale au monde : 33.7 trilliards! On parle souvent du Japon comme étant le pays lu plus endetté par rapport à son PIB. Mais la valeur nominale de sa dette est 4 fois plus petite que celle des États-Unis. Et cette dette japonaise est entièrement financée par les Japonais, ce qui est très différent de la situation des pays occidentaux. On a cru jusqu’à maintenant qu’on pouvait pelleter la dette en avant et qu’il n’y aurait jamais de problème. Il semble que nous sommes arrivés à un seuil où les dettes ne peuvent plus rouler aussi aisément qu’avant.
Les plus grands détenteurs de dette américaine sont les Japonais et les Chinois. Ces derniers éprouvent des problèmes majeurs qui les forcent à liquider leurs positions de bons du trésor américains. Quant aux Japonais, ils vendent aussi les titres de dette américains pour tenter de soutenir le yen japonais (voir notre article Le Japon au bout de sa corde).
Il est important de noter que les Américains ont pour 7,7 trilliards qui vient à échéance dans les 12 prochains mois. Ajoutez à cela un déficit qui avoisine les 2,5 trilliards… Vous avez donc plus de 10 trilliards qui vont devoir trouver preneur dans la prochaine année. Cela n’est jamais arrivé auparavant. Un tel niveau de renouvellement va mettre une pression énorme sur les taux. Si les acheteurs ne sont pas au rendez-vous, que se passera-t-il?
Deux scénarios possibles
Dans le premier scénario, le gouvernement va devoir offrir plus de rendement sur ses bons du Trésor pour que les acheteurs se montrent intéressés. Il s’agit de la même situation qu’un magasin qui se retrouve avec un trop plein d’inventaire et qui doit liquider à rabais ses articles. Ce scénario suggère que les taux d’intérêt du marché continueraient de monter. Et ce, en dépit du taux directeur qui, rappelons-le, ne suffit plus à orienter efficacement le marché obligataire (voir à ce sujet notre vidéo Qu’est-ce qui dicte les taux d’intérêt?). Dans le deuxième scénario, la FED va se positionner comme acheteuse des obligations afin de freiner la hausse des taux d’intérêt. Ce scénario insinue que les taux seraient ramenés à la baisse, mais c’est alors l’inflation qui s’emballerait. Personnellement, je penche vers le deuxième scénario. En effet, si les taux d’intérêt demeurent élevés encore longtemps, c’est toute l’économie qui se retrouvera étranglée. À commencer par le système bancaire… Aussi, la banque centrale aura une pression inimaginable pour venir à la rescousse de l’économie. Comment? En imprimant encore de la nouvelle monnaie…