Pascal Charpentier
Short Squeeze sur l'or

Comme nous mentionnons dans notre dernier billet du 31 janvier, la bourse des métaux de Londres n’est plus en mesure de garantir la livraison dans les délais normaux sur les achats d’or. Depuis, de nouvelles informations sont venues apporter un éclairage nouveau pour le moins surprenant, laissant entrevoir rien de moins qu’un scénario possible de short squeeze sur l’or!

Un nouveau joueur de taille sur le marché de l’or

Nous savions que les grandes quantités de métaux sorties du LBMA avaient pris la direction des États-Unis. Mais nous ne nous doutions jamais que le client potentiel de tous ces achats rapides pouvaient être le gouvernement américain! C ’est la conclusion que tire le gestionnaire de portefeuille et expert en métaux précieux Vince Lanci, face aux mouvements massifs d’or qui ont eu lieu récemment vers les États-Unis. Selon lui, les États-Unis se seraient embarqués depuis 2 mois dans une course de rapatriement du plus d’or possible dans leurs voutes. À son point de vue, nous assisterions à l’heure actuelle à une redirection forcée et rapide des lingots vers les États-Unis.

Ce n’est pas que les Chinois ne sont plus acheteurs, confirme-t-il, mais les acheteurs américains semblent avoir pu dépasser tous les autres dans la file d’attente et avoir eu droit à des conditions de livraison privilégiées. D’après l’expert, les autorités américaines se doutent qu’une réutilisation mondiale de l’or comme moyen d’échange se pointe à l’horizon (lien).

Eric Yeung, analyste chinois du marché des métaux précieux, fait la même hypothèse. La Chine et l’Inde seraient encore en mode livraison sur le COMEX et le LBMA, mais toujours en attente de leurs lingots alors qu’on aurait priorisé les énormes livraisons américaines. Selon lui, un seul joueur peut exiger de la bourse de New York (Comex) une livraison aussi massive et rapide d’or, et c’est le gouvernement américain (ou la Réserve Fédérale) (lien).

Le marché des contrats fait face au défi de livrer la marchandise

Rappelons que les deux marchés de métaux que sont le COMEX et le LBMA n’ont aucunement la capacité de livrer ne serait-ce qu’une fraction des contrats détenus par les investisseurs. Le LBMA, comme on l’a précisé dans notre dernier billet, ne possède que très peu d’or. Sa stabilité repose entièrement sur l’or détenu par ses membres. Par conséquent, la sortie massive de métaux des dernières semaines a fortement ébranlé les fondations de cette institution qui est la clef de voute des échanges d’or et d’argent depuis des décennies. En réalité, les bourses de contrats sont des lieux d’échange qui n’ont pas été conçus pour manœuvrer des mouvements massifs de métaux physiques. De ce fait, les volumes anormaux des dernières semaines ont révélé au grand jour les faiblesses de la structure du temple de la cité de Londres.

Ruée vers l’or à l’horizon

Notre conclusion est que la pression actuelle pourrait engendrer un « short squeeze » sur l’or devant l’incapacité de trouver des ressources de remplacement. Dans ce scénario, les vendeurs à découvert pourraient être forcés de fermer leurs positions en panique en rachetant leurs positions vendues à n’importe quel prix, créant une ruée et une explosion instantanée des prix, comme on l’a vu par exemple sur GameStop en 2021. L’arrivée du nouveau gros joueur, quel qu’il soit, ne fera rien pour apaiser la situation. Les risques d’un scénario de goulot d’étranglement ne font qu’augmenter. Un shortsqueeze dans l’or viendrait changer en quelques jours toute la réalité monétaire de la planète et deviendrait le responsable attitré de la dévaluation monétaire mondiale. Les prochaines semaines risquent d’être très excitantes à ce niveau.

Retour à un dollar-or?

Monsieur Yeung va plus loin en soupçonnant que le gouvernement américain se préparerait à faire un audit des réserves de métaux qu’il a en sa possession, ce qui n’est pas arrivé depuis 1956. Selon lui, ils auraient besoin de compléter des achats rapides afin de retrouver les réserves de 8133 tonnes inscrites au bilan depuis les années 50. L’objectif à terme serait à son avis de réappuyer le dollar, et possiblement la dette américaine, sur une valeur d’or.

Cela peut sembler surprenant mais il faut se rappeler que le fait d’une monnaie FIAT (non appuyée sur l’or ou autre étalon) est une expérience récente et si elle s’avère inefficiente, on pourrait décider d’y mettre fin. Avant 1971, chaque dollar imprimé par la FED devait être appuyé par une contrepartie métallique à la hauteur de 40%, gardée dans les voutes du Trésor.

Je me suis amusé à faire le calcul du prix potentiel de l’or si les Américains décidaient de revenir à ce ratio : En prenant la quantité de billets en circulation émis par la Réserve Fédérale actuellement, qui est de 18,46 trilliards de dollars et qu’on applique un ratio de 40%, on arriverait à 7,38 trilliards de dollars en lingots d’or. Considérant qu’il y a 8133 tonnes en réserve, l’or devrait valoir 28 224$ l’once! On est loin du 2925$ actuel… Bien sûr, ce calcul ne signifie pas que le prix de l’or s’en va là, mais je trouve intéressant d’explorer les paramètres qui étaient en place jusqu’à tout récemment et de constater comment on en est loin.

Réévaluation des réserves américaines d’or

L’arrivée de Scott Benson au Conseil du Trésor n’est certainement pas étrangère à ce désir de réactualiser la valeur du portefeuille de métaux précieux américain. En effet, il a dit la semaine dernière qu’il avait l’intention de réévaluer des actifs importants au bilan du gouvernement afin d’aider à la solvabilité des États-Unis (lien). Il faut savoir lire entre les lignes pour voir que derrière cette déclaration, il y a une vision de la part d’un homme réputé être un fervent défenseur de l’or.

À mon avis, il s’agit d’une stratégie de dernier recours devant la problématique sans issue du poids de la dette par rapport à la valeur du dollar. L’objectif final de Trump, en laissant l’or monter considérablement, est de dévaluer le dollar et ainsi diminuer le fardeau de la dette gouvernementale, qui va perdre de la valeur au fur et à mesure que l’or va monter. En effet, en poursuivant sa hausse, l’or va entraîner dans sa foulée le pétrole, les matières premières, et éventuellement le panier d’épicerie, comme on l’a vu dans les années 80.


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