Pascal Charpentier
Pénurie d'argent

Comme je le répète souvent, l’or est le métal stratégique par excellence mais l’argent est actuellement encore bien plus important à détenir au portefeuille! Pour bien le comprendre, il faut regarder ce qui se passe actuellement en Chine et à Londres, la plus plus importante bourse de métaux au monde, et dont la situation actuelle pourrait annoncer une pénurie d’argent prochaine.

L’argent: une matière première critique

Bien que l’argent ait toujours été le métal monétaire de choix pour les Chinois, il est désormais bien plus que cela depuis que le pays est devenu le cœur planétaire de la fabrication industrielle. Meilleur conducteur électrique au monde, malléable et ductile, le métal gris est une matière cruciale pour de nombreuses industries. Que ce soit dans nos cellulaires ou tablettes, dans les batteries des véhicules électriques ou encore dans les panneaux solaires ou les puces électroniques, l’argent est partout.

De ce fait, au cours des 4 dernières années, la demande industrielle pour l’argent a augmenté de 39,47%. La transition énergétique en particulier constitue une source de demande majeure pour l’argent. Par exemple, à elle-seule, la demande d’argent générée par l’industrie du photovoltaïque (panneaux solaires) a crû de 180% depuis 2020! (Silver Institute) Avec la transition énergétique et la demande numérique, cette croissance est exponentielle pour ces industries en plein essor. De plus, on utilise également l’argent dans les nouvelles technologies militaires.

Pour toutes ces raisons, la Chine accumule ce métal de façon effrénée depuis des années, ce qui s’intègre dans son projet « Made in China 2025 » élaboré en 2015 ainsi que son plan « Go Global » initié au début des années 2000 (lien). Dernièrement, l’Inde lui a également emboité le pas dans une tactique d’accumulation d’or et d’argent.

La hausse du prix ne fait que débuter

Malgré la hausse de l’argent de plus de 30% en 2024, les prix sont encore loin de refléter la réalité de l’argent qui demeure méconnue. Les prix bas des métaux font l’affaire des Américains qui ont tout à gagner de cette situation puisque cela leur permet entre autre de poursuivre leur bluff monétaire. En effet, la hausse importante du prix des métaux précieux confirmerait officiellement la dévaluation du dollar américain. De l’autre côté, ces prix bas font également l’affaire de la Chine qui en profite pour empiler à rabais de très grosses quantités d’argent incognito. D’ailleurs, le gouvernement chinois envoie actuellement des agents partout sur la planète dans les exploitations minières afin d’acheter la matière brute encore non-raffinée, qui prend aussitôt la direction du levant. 

Pénurie difficilement réversible

Cette course à l’approvisionnement s’inscrit dans un contexte où nous entrons dans la 5e année de déficit de production d’argent par rapport à la consommation comme vous pourrez constater dans ce graphique de Skillings Review Mining. Alors que la demande industrielle ne cesse d’augmenter, l’offre, quant à elle, n’a pas l’élasticité pour s’ajuster. En effet, il faut entre 12 et 20 ans pour démarrer un nouveau projet minier. La pénurie semble donc bien installée dans le temps.

Un marché des contrats déficient

Ce qui se passe actuellement sur le marché des métaux à Londres semble confirmer l’énorme pression exercée sur le métal argent et annonce une très possible pénurie d’argent. Rappelons que Londres est la plaque tournante mondiale du marché des métaux, environ 5 fois plus importante que New York en termes de quantités transigées.

Malgré le fait qu’il y aurait encore 800 millions d’onces d’argent enregistrés dans les voûtes de Londres, la plus grande partie de ce métal appartiendrait déjà à des intérêts privés, donc la majorité de ces stocks ne seraient pas disponible pour le marché. Seule une infime fraction serait disponible pour livraison. Selon David Jensen, il y aurait aussi peu qu’entre 10 à 50 millions d’onces disponibles sur ces 800 millions en inventaire (source). Ce spécialiste pense que le marché de l’argent de Londres est proche d’un défaut de livraison alors que la pénurie mondiale croissante d’argent révèle une structure de marché frauduleuse (lien).

Compte tenu qu’il y a en permanence entre 4 et 6 milliards d’onces d’argent qui se négocient sur le marché des contrats à Londres et qui peuvent se prévaloir de l’option de livraison à tout moment, il y aurait un différentiel potentiel d’environ 100 pour 1 entre les quantités négociées et le métal disponible pour distribution! Il s’agit d’une situation complètement démesurée.

À la une: pénurie d’or sur le London Stock Exchange!

D’ailleurs, cette insuffisance des stocks concerne également le métal or, ce qui s’est révélé au grand jour à la bourse de Londres dans les derniers jours. La menace des tarifs douaniers annoncés par Trump, qui pourraient affecter le coût des métaux précieux, a été l’élément déclencheur de la situation. «Une augmentation des expéditions d’or vers les États-Unis a entraîné une pénurie de lingots à Londres », confirme un rapport du Financial Times du 29 janvier. Le London Stock Exchange n’est plus en mesure d’offrir ses délais habituels de quelques jours, qui sont passés à 8 semaines, poursuit l’article.

Pourquoi de tels délais s’il reste encore 169 millions d’onces d’or en réserve? C’est peut-être qu’une grande partie de ce stock appartient à des intérêts privés et n’est pas disponible pour la livraison, confrontant la bourse de Londres à trouver des solutions pour fournir à la demande.

En résumé, depuis quelques jours, on constate que les métaux précieux sont passés en mode livraison ! Et le système de transactions n’a pas été conçu pour ça ! La pénurie actuelle du métal or sur le marché des contrats londonien annonce une éventuelle pénurie similaire sur l’argent. Le London Stock Exchange commence à ressembler à une belle vitrine dont l’inventaire en entrepôt serait épuisé…

*Illustration Fred Nony


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