Pascal Charpentier
LBMA

La défaillance récente du système de livraison du marché des métaux de Londres (LBMA) me rappelle mon naufrage sur le lac des Trois Doigts il y a deux ans.

Une chaloupe que je laissais sur ce lac avait perdu depuis longtemps sa capacité à flotter adéquatement. Mais avec une bonne écope, je pouvais encore l’utiliser. Malheureusement, cette journée-là, j’avais oublié mon écope! Sachant que l’eau ne s’accumulait que très lentement dans le bateau, j’ai quand même pris la décision de partir pêcher à bord de cette chaloupe. Ce que j’avais sous-estimé, c’est que plus l’eau allait rentrer, plus la pression allait être forte sur le débit de l’eau qui entrait. Concentré sur les 5 belles truites que je venais d’attraper, je ne me suis pas rendu compte que l’arrière de la chaloupe se remplissait à une vitesse inhabituelle… À ma stupéfaction, en l’espace de quelques secondes, je me suis retrouvé complètement submergé jusqu’au cou.

LBMA prend l’eau!

Lorsque je regarde ce qui se passe sur le plus important marché des métaux, le LBMA, j’ai aussi l’impression de voir un bateau qui prend l’eau mais qui a toujours réussi à rester à flots malgré les fuites. Mon écope est l’équivalent du métal que le marché de Londres pouvait livrer jusqu’à maintenant et qui réussissait à répondre à la demande (l’eau qui entre dans le bateau). Tant que les demandes de livraison demeuraient l’exception, Londres était en mesure de livrer sans problème. Mais la pression exercée sur le navire anglais est immense puisqu’il y a environ 100 fois plus de contrats en vigueur que de métal accessible sur demande. Et les réserves de métaux n’ont pas été conçues pour répondre à une augmentation importante des demandes de livraison.

Pourtant, la capacité du LBMA de livrer le métal est essentielle pour soutenir la confiance des investisseurs dans le marché des contrats. Jusqu’à tout dernièrement, on pouvait se faire livrer dans un délai de 3 jours. Or, le mois dernier, on a annoncé que les prochains délais seraient de 60 jours. Depuis que le soupçon règne sur la capacité réelle du LBMA de livrer les métaux, les demandes de livraison explosent chez les détenteurs de contrats. Ces demandes sont désormais en train de se retourner contre le navire-amiral, comme l’eau dans ma chaloupe.

Quelles conséquences pour un éventuel naufrage?

À mon avis, le fait que la LBMA ne soit plus en mesure de livrer vient de tout faire basculer. Cela prendrait 10 fois plus de lingots pour récupérer les dégâts à court terme. Mais comme ils n’en ont probablement plus de disponible, c’est un navire à la dérive. Le manque d’accessibilité de métaux pour les détenteurs de contrats précipite petit à petit ce marché vers un naufrage. Sera-t-il aussi soudain que celui de ma chaloupe? Le naufrage de ce marché qui a su manipuler les prix sur l’or et l’argent pendant des décennies propulsera la valeur de l’or, et encore plus celle de l’argent, à un niveau jamais vu jusqu’à présent. Dans un futur proche, la LBMA pourrait ne plus être qu’un vestige du passé dans le fond de l’eau.

Illustration: Fred Nony


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